Sorti au début de l’année 2017, « Bad Horses » est un bel exercice de style que l’on doit à Bottle Next, un duo français (guitare électroacoustique/batterie) aussi aventureux que talentueux, qui définit sa musique comme du hard folk. Pierre Rettien, le frontman du groupe, nous parle des 5 disques qui l’ont marqué. Propos recueillis par Olivier Ducruix - Photo : © Vollmond Konzertfotografie
MICHAEL JACKSON Dangerous Michael Jackson aura bercé toute mon enfance et adolescence et il continue de me distribuer des baffes à chaque fois que j’écoute un de ses titres. Cet album commence avec zéro compromis : une caisse claire électronique qui t'éclate au visage et des patterns à la fois riches et super efficaces, bref, ça te marque pour toute la vie. Je me rappelle, gamin, je mettais les cassettes audio à fond sur un petit ghetto-blaster dans ma chambre et je passais des heures à danser comme un fou. Je me faisais des compilations des titres les plus énervés de chaque album, pas seulement de celui-là, mais aussi de « History » et de « Blood On The Dance Floor ». J'étais moins fan des plus vieux tubes, j'aimais bien les machines avec des sons pas forcément identifiables, mais quand même organiques. C'était particulier parce que, à la maison, j'écoutais aussi beaucoup de musique avec mes parents, beaucoup de rock, de jazz et de musique plus acoustique, j'ai tellement de noms qui me viennent en tête : Charlie Parker, The Police, Springsteen, Bashung, U2, Zappa… Beaucoup de Zappa d'ailleurs, je pense notamment au live « Roxy & Elsewhere » dont je connaissais certains des titres par cœur à force de les avoir écoutés et chantés en boucle avec ma mère en voiture. Et Michael... toujours Michael. Après je ne me rappelle pas avoir réussi au moins une fois à danser le moonwalk !
MASSIVE ATTACK Mezzanine J'avais 9 ans quand cet album est sorti. Si mes souvenirs sont bons, le jour de l'anniversaire de mes 10 ans, une de mes cousines m'avait offert ce disque. C'est aussi ce jour-là que je me suis éclaté les incisives sur le sol en faisant l'imbécile avec un pote. C'était un dimanche, le jour idéal pour aller à l'église, mais pas chez un dentiste... Ce que j'adore chez Massive Attack, c'est la façon subtile et pointue de marier parfaitement instruments acoustiques et machines. En live, c’est encore plus flagrant. Je me suis bien fait botter les fesses quand j’ai vu le groupe sur scène : c’était la classe, avec le côté rock mis bien en avant. C'est quelque chose que je retrouve beaucoup aussi chez Nine Inch Nails. C'est incroyable l'effet que ça fait de réécouter les morceaux de « Mezzanine »… C'est comme revivre des sensations du passé tellement le disque est puissant. Ce ne sont pas des souvenirs clairs, mais plus des sentiments chargés d'histoire qui viennent m'envelopper. À partir du moment où j'ai découvert cette musique, je n’ai plus décroché. L'album « Blue Lines » est dingue aussi. Remixer le titre Stratus de Billy Cobham et en faire ce qu'ils en ont fait était juste parfait. Et puis honnêtement, est-il besoin d'évoquer le titre intergénérationnel qu'est Teardrop ? Bon, ok, je viens de le faire (rires)...
SLIPKNOT Iowa Le choix s'est avéré extrêmement difficile. « Iowa » fait partie des premiers albums de metal que j'ai écouté et adoré, des albums avec lesquels je me suis immergé dans l'univers de ce style, tels que ceux de Gojira, Mudvayne, Soulfly, Korn, Coal Chamber, Dagoba, Fear Factory, Mnemic, Limp Bizkit et bien d’autres encore. Je ne peux pas parler de metal sans évoquer le groupe très peu connu No One. C'est simple, avant d'écouter ça, j'étais un sale morveux pour qui le metal se résumait à des mecs qui braillent et qui jouent fort. Puis un jour, j'ai voulu faire le mariolle à la FNAC, au rayon metal, et le CD de ce groupe était en écoute, j'ai mis le casque sur mes oreilles en me disant que j'allais trouver ça naze... Tu parles ! J’ai été tellement perturbé, pour ne pas dire choqué, que je n’ai même pas osé acheter le disque tout de suite, pensant que c'était un bug dans la matrice... Il a fallu que j'attende une semaine avant de retourner en magasin pour me jeter dessus et l'acheter. Après, je n’ai plus décroché. Ce que j’aime dans « Iowa », sans oublier la production qui est quand même franchement aussi énorme qu’originale, c’est le côté punk du disque et la manière de jouer des musiciens. Ça déborde, c'est plein de vie et c'est assez organique. Je ne remercierai jamais assez mon père d'avoir supporté les trajets en bagnole à 7h30 du matin pour m'emmener au lycée, durant lesquels je lui faisais subir la rage de Corey Taylor, Chad Gray, Burton C. Bell, Michael Bøgballe et j'en passe… Parce que oui, les compilations pour radiocassette, j'en ai fait jusqu'au bac et jusqu'à l'invention du lecteur CD dans les voitures. Non je plaisante, je ne suis pas si vieux, ça existait déjà… C'est juste qu'on roulait en BX (rires).
FINK Perfect Darkness La première fois que j'ai écouté Fink, c'est quand Fin Greenall est venu chanter dans l'émission « One Shot Not » présentée par Manu Katché sur Arte. Je me rappelle clairement le titre Pretty Little Things qu'il a interprété avec Pino Palladino et Manu Katché le soir de l'émission. J'ai pris une sacrée claque et j’ai de suite été accro, juste avec un morceau. Je me suis procuré assez rapidement les 2 premiers albums qui n'ont pas tardé à tourner en boucle, puis je suis allé voir le groupe peu de temps après en concert, quand j'étais encore étudiant au conservatoire. Ça m'a bluffé. Le côté dub/folk contemplatif nous a pas mal influencé avec Bottle Next et nous nous sommes clairement inspirés de Fink à nos débuts. Nous avons même repris un titre il y a longtemps et je pense que maintenant ça fait partie de notre identité, même si ça ne saute pas forcément aux oreilles au premier abord. J'ai toujours été fasciné par ce côté songwriter un peu sombre, qu'on retrouve par exemple chez Neil Young. Quand j'ai écouté Perfect Darkness, j'étais fasciné. Tout est parfait : les intentions, l'écriture, cette longue montée de presque 7 minutes. La production de l'album est irréprochable et chaque titre est une perle.
MESHUGGAH Obzen Je ne pouvais pas faire ce Gimme 5 sans citer Meshuggah. J'aurais pu choisir n'importe quel album, j'ai juste pris « Obzen » parce que je crois que c'est le premier que j'ai vraiment écouté en long en large et en travers... Les autres sont venus après. J'ai mis un certain temps à m'y mettre, même si j’écoutais du metal depuis un certain temps et la découverte de ce groupe s'est faite grâce à un gars qui m'avait glissé 2 ou 3 albums dans mon disque dur. Le premier titre qui m'a scotché est Straws Pulled At Random sur « Nothing », une véritable machine organique. En plus de te faire compresser la tronche, il y a aussi beaucoup de groove dans la musique de Meshuggah. Sachant que je suis aussi batteur, j'ai beaucoup bossé les parties de Tomas Haake dans ma chambre ou mon local, et cela a aussi pas mal influencé ma manière de jouer et de composer de la musique. Ce groupe me met en transe et ça tombe bien parce que je crois que c'est un peu le but recherché. Pour moi, et je ne dois pas être le seul à penser ça, ils ont apporté une sacré pierre à l'édifice dans le monde de la musique, sur le plan de l'écriture, mais pas que. Combien de musiciens, et je ne parle pas que des fans de metal, se sont inspirés de leurs rythmiques et de leur son. En arriver là où ils en sont aujourd'hui en jouant une musique aussi spéciale, atypique, et au final pas forcément accessible, il faut le faire. Bref, je pourrais en parler des heures… Meshuggah a une place très importante dans ma vie de musicien.