Changement d’ambiance pour Fontaines D.C. avec Starbuster, premier single extrait de « romance », 4e album des Irlandais, attendu à la rentrée. Interview en face-à-face avec Carlos O’Connell, le guitariste du groupe.
Dans quel état d’esprit avez-vous composé ce quatrième album ?
Carlos O’Connell : Un peu comme si c’était le premier. Notre contrat avec le label était fini, personne ne nous a poussés à le faire. Globalement, personne ne nous a jamais poussés, mais là c’était vraiment une envie profonde. C’était très libérateur, comme quand tu commences et qu’il n’y a personne dans l’équation, juste le groupe. Je pense que grâce à ça, il n’y avait aucun stress, aucunes attentes. Quand nous avons terminé « Skinty Fia », nous avions l’impression d’avoir fait quelque chose qui disait qui on était en tant que groupe. Puis on a fait une pause, même si elle a été très courte. Grâce à ça, « Romance » a pu être assez organique, on savait que le moment était le bon.
Pour vous, cet album est-il un nouveau départ ou plutôt une continuité ?
Je pense qu’il est vraiment différent, mais qu’il reste une suite logique en même temps. J’ai souvent l’impression que c’est le temps qui passe entre les albums qui fait qu’ils sont plus ou moins proches. Et puis automatiquement, quand il y a moins de temps entre les deux, on repart un peu de là où on en était. Vous ne repartez jamais de zéro, en ignorant complètement ce qui s’est passé avant. En tout cas pas nous.
Vous avez passé plusieurs semaines à écrire ensemble, puis en studio, comment s’est passée cette réunion ?
On était dans une grande maison à côté de Paris, comme un petit manoir, c’était parfait comme ambiance. Il n’y avait pas de télé, pas de distraction, juste la musique et de la bonne nourriture. Même si on a chacun travaillé de notre côté pendant la courte pause qui a précédé, on ne fait jamais vraiment de pause les uns des autres. Nous n’avons pas beaucoup d’amis en dehors du groupe à vrai dire (rires).
Tu es devenu papa durant ce break, est-ce que ça a changé ton rapport au groupe et à la musique ?
Oui, ça paraît évident dit comme ça mais ça change une vie. Sur la manière dont je me considère, dont je considère le monde… Je suis beaucoup plus concentré, déterminé. Au début on pense beaucoup à l’aspect financier, on se dit qu’il faut assurer pour le bébé. Puis j’ai réalisé que je ne voulais pas avoir ce souci dans ma tête, faire un travail alimentaire juste pour l’argent. Je ne veux pas apprendre ça à ma fille, mais plutôt qu’elle voit des parents passionnés et qu’elle sache que c’est une possibilité. Je sais que ces choix vont m’enlever du temps passé avec elle, c’est pour ça que je réfléchis davantage, tout doit en valoir la peine. Et je regarde les choses à travers ses yeux à elle…
En ce qui concerne les guitares, elles n’ont plus la même place par rapport aux albums précédents, non ?
Oui, ça a beaucoup changé. Déjà, je joue des synthés sur la moitié de l’album. Et ce qui est drôle, c’est que j’ai l’impression de le faire avec la même perspective qu’en jouant de la guitare. L’instrument n’est plus le même, mais ma démarche reste similaire. Dans le dernier album, j’utilisais beaucoup d’extensions et d’effets, j’essayais de donner un son plutôt aérien, perché, comme dans un rêve. Aujourd’hui j’ai l’impression que les guitares sont plus directes.
Au-delà de la pratique, vous disiez que vous n’écoutiez pas beaucoup de guitares dans la vie de tous les jours.
Eh bien j’en écoute beaucoup plus maintenant ! J’ai ce besoin qui m’est venu de l’immédiateté de la guitare. Je marche beaucoup par périodes. Il y a des gens qui peuvent écouter le même groupe toute leur vie, moi je me lasse très vite. Parce que quand j’écoute un groupe ou un album, ça devient une obsession. Je peux l’écouter des dizaines de fois, jusqu’à ce que je n’en puisse plus. Du coup je trouve un autre album et je repars dans une boucle. J’ai besoin de cette obsession…
On lit beaucoup que vous vous imposez comme LE groupe indie phare irlandais des années 2020. Quel est votre rapport au succès et aux attentes, ça vous effraie ?
Je pense que là où le succès pose plutôt problème, c’est entre les membres d’un même groupe. On démarre tous sur la même page, mais on peut être plus ou moins affectés par la pression qui vient avec le succès. Au stade où on en est de nos vies, c’est encore très tranquille. La plupart de nos activités quotidiennes sont comme avant d’ailleurs. En tout cas j’ai l’impression qu’en ce moment notre état d’esprit est assez sain, j’ai confiance pour que ça reste comme ça. Et on ne va pas changer notre musique, ni pour éviter le succès ni pour l’atteindre à tout prix.
Est-ce que vous avez l’impression qu’il y a une « scène » irlandaise actuellement ?
En tout cas les autres s’y intéressent, ce qui n’était pas le cas pendant longtemps. J’ai l’impression qu’on a quasiment été le premier groupe à sortir de l’Irlande pour atteindre un niveau international, et une certaine validation. Pendant très longtemps ça restait local. Aujourd’hui ce n’est plus le cas et c’est merveilleux car ça donne aux autres artistes le sentiment que c’est possible. Quand tu penses que c’est impossible, je pense que consciemment ou inconsciemment tu n’arrives pas à être motivé, tu ne donnes pas tout.
Le premier titre que vous avez sorti, Starbuster, a été inspiré par Korn. Avec le temps, est-ce qu’il y a une volonté d’explorer plus de genres ?
Oui je pense. Nous n’avions jamais écouté Korn tous ensemble jusqu’à l’année dernière. Puis il y a ce moment où on écoute un son et où il y a cet effet de surprise. Comme moi, les autres ont un côté très obsessionnel sur l’acte d’écoute. Et finalement, c’est peut-être pour ça qu’on fait de la musique, grâce à cette nature obsessionnelle…
Le plaisir du live
Bientôt de retour sur les routes pour la tournée, le groupe semble déterminé. Carlos confie : « Je ne sais pas si c’est un gain de confiance, mais en tout cas j’arrive à être à 100 % engagé en concert. Je suis fasciné par le fait d’être sur scène, il y a une espèce de monde qui se crée. C’est assez magique quand on y pense… » Fontaines D.C. sera notamment à Glastonbury cet été, et au Zénith de Paris le 13 novembre prochain.