Découvrez notre appli

Nos abonnements

Découvrez nos playlists

News

le choc des générations - C’était vraiment mieux avant ?

Placer Fogherty en couverture n’a pas été un long fleuve tranquille. Dans cette nouvelle ère musicale, partagés entre la déférence que l’on doit aux anciens et notre envie de toujours faire découvrir de nouvelles choses, nous nous retrouvons à débattre avec chacun nos biais, nos passions, et notre mauvaise foi. On en discutait encore récemment avec notre… thérapeute…

Le barman : Mais mon bon ami, il n’y a plus de groupe fédérateur aujourd’hui ou alors ceux que l’on avait déjà dans les années 80. Il faut voir les affiches de festivals, il n’y a rien de neuf !

Cyril : Oui, enfin, il faut du temps pour construire une carrière. Rares sont les jeunes à se retrouver directement en tête d’affiche. Et puis il y a un côté grégaire au festival, certains y vont parce que c’est « the place to be » pour faire une jolie photo instagrammable, ça ne dit rien de la façon dont on consomme la musique actuellement. Il y a beaucoup d’émulsion aujourd’hui dans des univers différents, je pourrais très bien citer Sun qui surprend tout le monde avec sa «brutal pop». Jean-Pierre l’a interviewé il n’y a pas longtemps et ce fut un coup de cœur, mais à la marge de ce type de production rock, on voit la façon dont Lorien Testard et Alice Duport-Percier ont été mis sous le feu des projecteurs avec le succès du jeu vidéo Expedition 33. Car oui, les musiques de jeux et de films sont maintenant interprétées devant des publics et font salle comble. Je pourrais aussi parler de succès de groupes comme Gogo Penguin dans le jazz. Trois univers très différents, tous plus créatifs les uns que les autres et qui attirent des publics beaucoup plus ouverts à la musique sous toutes ses formes et au spectacle vivant en général. L’audience s’est simplement dispersée.

Lorien Testard etAlice Duport-Percier. © Daniel Sicard

Flo : Je crois aussi qu’on oublie le propos même de ce qu’un festival est ! C’est aussi un espace de découvertes, et je ne suis pas d’accord rapport aux têtes d’affiches, le monde de la musique change et est en constante évolution, j’ai le souvenir d’avoir vu jouer des groupes, au succès d’estime, il y a 20 ans de ça et qui se retrouvent maintenant en tête d’affiche. Je pourrais parler d’Opeth, par exemple, mais que dire même de nos frenchies de Gojira. Ensuite, comme à chaque époque, on a vu des groupes au succès fulgurant, qui ont su connaître les hauts de l’affiche mais qui se sont crashés en flamme rapidement. Si je te parle des anglais d’Oceansize ça te parle ? Non ? Et bien va réécouter un morceau qui s’appelle Music for a Nurse, ça va te rappeler une pub que tout le monde a vu des centaines de fois à l’époque. Un groupe c’est comme la vie, une naissance, une évolution et une fin !  Et quitte à rester dans les succès éphémères, t’as déjà écouté Khula Shaker ? Ils ont cartonné avec une reprise de Hush de Deep Purple puis avec un morceau complètement psyché qui s’appelle Mystical Machine Gun. Qui s’en souvient ? Le succès peut être éphémère, c’est pourquoi il faut rester en éveil tout le temps si on souhaite avoir un regard éclairé sur la scène. Alors oui, bien sûr, il y a des groupes bien installés qui trustent les têtes d’affiche des festivals, on s’y est habitué, mais ils ont commencé devant 10 personnes comme tout le monde. Le talent, et surtout le fait de réussir à durer, c’est un énorme travail. Tout le monde connaît Muse par exemple. T’es au courant que leur premier concert en France ils l’ont fait à Cherbourg dans un bar il n’y a pas loin de 30 ans !

Oui, enfin vous travaillez dans un magazine de guitare, et il n’y a plus de grands guitaristes, c’est fini cette grande époque.

Flo :  Pfff... Mais tu dis n’importe quoi ! Oui on a connu des guitaristes extraordinaires par le passé, mais chaque époque a apporté son lot de talents ! Et puis tu me parles de guitaristes extraordinaires ? Tu penses auxquels ? Page ? Blackmore ? Rhoads ? Iommi ? Beck ? Clapton ? T’es au courant qu’il y en a eu plein d’autres dont on n’a pas suffisamment parlé ? Et qui pour certains ont sombré dans l’oubli... Si je te parle de Snowy White ? De Peter Green ? De Mike Farner ou encore Terry Kath ? Là je pense que t’ai paumé, non ? Et pourtant dans tous les noms que je viens de te citer, il y a trois groupes pour moi imparables des 70’s... Le Chicago Transit Authority, Thin Lizzy (et un peu Floyd) et le Grand Funk Railroad. À toi de retrouver qui jouait dans quoi ! Bref, mon propos est juste de te dire que ce n’est pas parce que tu as l’impression qu’il n’y a plus de grands guitaristes que ton propos est vrai ! Peut être simplement n’as-tu pas eu la curiosité d’aller fouiller un peu !

Grand Funk Railroad. © DR

Cyril : Et surtout ça n’a jamais été aussi faux. Matteo Mancuso est sans doute l’un des plus grands prodiges de la guitare actuellement. Steve Vai lui-même avoue « it’s just a new level ». Son jeu aux doigts est époustouflant. Et ne venez pas me sortir « l’exception qui confirme la règle ». Un détour par le blues et vous tombez sur Christone « Kingfish » Ingram. Il faut voir ce que ce « gamin » dégage sur scène. Vous en voulez encore ? Écoutez Marcus King, incroyable dans sa voix comme dans son touché, ou Rhys John Stygal, si proche de Stevie Ray Vaughan du haut de ses 16 ans. On peut aussi changer d’univers, allez voir Sophie Lloyd côté metal ou Mateus Asato dans la pop. Certains ont encore tout à prouver du côté de la composition, mais laissons-leur cette chance. Dois-je vous rappeler que votre vénéré Guthrie Govan, du haut de ses 53 ans, n’a qu’un album solo au compteur. Alors certes, c’est un maître, un génie, j’admire ses masterclass et toutes ses interventions sur scène, mais on est loin de Steve Hackett côté discographie.

Marcus King. © Gibson
Sophie Lloyd. © DR

Oui, enfin dans tout ça, il y a du YouTube et compagnie, ce sont des démonstrateurs pour réseaux sociaux.

Flo : Mais c’est fabuleux ton discours. Au passage, remets-moi une bière patron ! C’est quoi le problème avec YouTube ? Je suis un vieux, j’ai bientôt 50 balais, j’aurais bien aimé avoir YouTube quand j’étais môme... À mon époque, c’était un peu différent, on comptait sur la curiosité des uns et des autres pour faire découvrir nos dernières pépites. Alors oui, il y a plein de youtubeurs actuellement, le monde évolue. Actuellement chacun peut produire son album chez soi en s’affranchissant du circuit classique des labels. Y a des bouses ? Oui certainement. Mais il y en a pour tous les goûts. Encore une fois à chacun de cultiver sa curiosité. Il faut être évidemment vigilant. Parce qu’il y a de sacrés fakes actuellement comme l’a récemment démontré « l’affaire » Giacomo Turra. Mais à côté de ça ? T’as été jeter une oreille sur un Alex Misko et sa reprise de dingue de Careless Whisper ? Ou encore un Josh Turner pour qui tout semble si évident et facile ? T’en veux d’autres ? Alors je te conseille par exemple Randy Coleman et sa bouleversante reprise de Bohemian Rhapsody ou encore un de mes chouchous aux US totalement méconnu chez nous, qui en plus de sa façade réseaux écume toutes les salles du pays aussi petites soient elles, j’ai nommé Michael Shynes. Écoute le morceau Lover ça devrait te plaire !

Cyril : Et tu préférais peut-être ces groupes montés de toutes pièces par les maisons de disque que l’on ne voyait sur scène ? Oui, les plateformes sont récentes et entraînent de nouveaux comportements, pas tous honnêtes ou bienveillants, mais c’est aussi une façon de s’affranchir des maisons de disque et de trouver un tremplin de son petit home studio directement vers la scène. D’ailleurs, on ne sait pas tout sur les Youtubeurs. Jamie Robinson, un technicien de folie, présente beaucoup de vidéos de chez lui mais il a aussi une carrière sur scène. Il se consacre davantage à ses près de 250 000 abonnés qui lui apportent largement de quoi vivre. Tant mieux pour lui et pour nous, puisque son contenu est gratuit. Certains sont des phénomènes, comme Ichika Nito avec ses 2.8 millions d’abonnés ou Marcin Patrzalek n’en comptant « que » 2 millions. Ces musiciens inventent à la fois une nouvelle grammaire de la guitare et une nouvelle façon d’en vivre. Et ça ne veut pas dire qu’ils ne montent pas sur scène, Marcin à une vingtaine de dates en Amérique du Nord et en Asie d’ici la fin 2025. N’oublions pas que ces réseaux sont aussi l’occasion de belles découvertes au hasard de playlists faites par des inconnues. C’est à YouTube que je dois mes rencontres fortuites avec Tom Mish, Anouck André et tant d’autres. Alors oui, la bonne musique ne se trouve plus forcément chez les disquaires. Elles ne passent plus non plus en radio et à la télévision où les anciens nous brisaient le crâne avec des titres en boucle finement négociés avec les maisons de disque. Cette époque est révolue et c’est tant mieux.

Jamie Robinson. © DR
Ichika Nito. © Ibanez
Marcin. Klaudia Kurek Ibanez

D’accord, mais tu trouves ça où ? Avant on avait nos super vinyles, maintenant vous avez de la musique partout et jamais de bonne qualité.

Flo : Avant, on se repassait les disques entre potes, c’est comme ça que j’ai découvert des dizaines d’artistes. Mais tu crois que c’était mieux ? Alors oui, dans mes jeunes années j’avais mon super disquaire pas loin de la maison, et crois moi j’y ai passé quelques après-midis et c’était génial. Maintenant c’est une démarche plus individuelle, mais comme on le disait avant on a des outils géniaux et YouTube en est un. Si tu savais combien d’artistes j’ai découvert grâce à ça. Mais on n’oublie pas l’humain évidemment, et donc le partage. Tu vois j’ai un fils de 20 ans, gavé au rap ! Loin de mes critères donc. Et pourtant, grâce à lui j’ai découvert des trucs géniaux que lui-même avec ses potes s’étaient partagé. Je t’en donne 2 pour la route. Va écouter un projet américain génial, ça s’appelle Roar ! Leur morceau I can’t handle change va te ramener directement aux meilleures années des Beatles. Et dans un tout autre style beaucoup plus mélo, cherche un artiste qui se fait appeler Cuco et sa petite merveille Lover is a Day. Pur youtubeur, mais quel talent !

Mais pour revenir à ton propos sur la qualité, c’est une affaire de support ! Tu sais, je suis né avec le vinyle ! Quand le cd est arrivé au milieu des années 80, mes parents ont eu le tout premier lecteur Philips à l’époque ! Et on trouvait ça fabuleux... Je me souviendrais toujours de la première fois qu’on a branché un cd, c’était Total Eclipse of the Heart de Bonnie Tyler, wow ! En fait, c’était juste un son différent. Alors oui, je revendique clairement que le vinyle pouvait amplement surpasser le numérique et continuera à le faire. Pour tous ceux qui en veulent la preuve, écoutez Relax de Frankie Goes To Hollywood en vinyle. Le plus gros son de l’histoire de la musique pour moi. Par contre arrêtons avec le mythe du vinyle actuellement, c’est purement commercial, il n’y a plus de chaîne analogique. Si vous voulez le « vrai » son, trouvez les disques d’époque !

Cyril : En fait, la musique n’a jamais été d’aussi bonne qualité quand on sait où piocher. Et tout comme les réseaux sociaux, les plateformes de streaming élargissent le spectre de ce que l’on écoute. Une recherche autour de Gogo Penguin, dont je parlais tout à l’heure, envoie vers Portico Quartet, Mammal Hands, deux groupes à écouter absolument. Et les genres ne sont plus des frontières infranchissables : Tigran Hamasyan, l’un des meilleurs représentant du jazz moderne et un fan de métal, il affiche clairement sa passion pour Meshuggah tout comme Ron Minis capable d’ajouter une touche hardcore à son jazz inspiré. Et je vous signale qu’il n’y a pas si longtemps, on interviewait Ckraft, une fusion de jazz et metal joué à l’accordéon. Ça existait à votre époque ? Toute cette émulsion se retrouve aussi dans la pop, la folk, le blues, le prog. Les jeunes se nourrissent de tout ce qu’ils peuvent écouter aujourd’hui et sont plus créatifs que jamais.  

Oui, enfin vous ne m’enlèverez pas qu’au final on revient toujours vers les musiciens les plus connus.

Cyril : Déjà, je suis guitariste depuis l’âge de 6 ans, je n’aime pas Satriani, Clapton ou Di Meola. Et alors ? En revanche, j’adore Robert Smith, Billy Corgan, Thom Yorke pour l’inventivité dont ils ont fait preuve avec leur instrument. Ils ne sont pas virtuoses ? La belle affaire ! Et, je n’ai cité que des vieux, pour que vous compreniez bien l’image, mais je pense la même chose de Yannis Phillippakis de Foals, déjà un artiste confirmé, de Tim Henson de Polyphia, ou de Ren qui, en solo ou dans son groupe The Big Push dégage tant d’émotion.

Tim Henson.© Ernie Ball

Flo : Bien sûr, il y a ceux qui font consensus mais ensuite tout est affaire de goût et d’oreille ! Oui on peut revenir vers les plus connus, personnellement je suis toujours resté admiratif de ces guitaristes reconnaissables dès la première note, Brian May ou The Edge par exemple ! Mais à côté de ça il y a des mecs épatants ! T’aime le blues ? Va écouter Matthew Curry, ce gamin qui écume les scènes depuis l’âge de 13 ans, et qui sort son premier album a à peine 17 ans avec une voix déchirée digne des plus grands comme s’il avait été élevé au bourbon. Comme quoi le talent n’attend pas le nombre des années. Je suis moi aussi guitariste, mais j’ai commencé plus tard que Cyril, vers l’âge de 12 ans, autant te dire que j’en ai vu passer des générations de dingues. Alors bien sûr, il y avait tous les shredders de l’époque, pour moi le plus fort restant Bettencourt. Et puis, au milieu de tous ces monstres j’ai découvert aussi d’autres ovnis, et pour n’en citer qu’un je te parlerai de Doug Aldrich. Découvert avec BMR pour leur album « Opium For The Masses », première fois de ma vie que je voyais un groupe mettre une telle claque à la tête d’affiche qui n’était autre que... Van Halen ! C’était en 95 au Zenith de Paris... J’ai eu la chance de bosser avec lui plus tard quand il a rejoint Whitesnake, quel pied !

Mais à quoi bon tout cela ? Les jeunes, maintenant, ça n’écoute plus que du Jul ?

Cyril : Nous y voilà, ce bon vieux biais du survivant ! Vous avez l’impression que l’ancienne époque était bénie car vous aviez Genesis, Dire Straits, Pink Floyd, Stevie Ray Vaughan ? Je les adore, évidemment, mais vous oubliez toute la médiocrité qui entouraient ces artistes aujourd’hui tombés dans l’oubli. Alors oui, on la connaît la blague de tonton « quel est le maître étalon de la musique de merde : le maitre Gims », c’est drôle, mais complètement idiot, l’important est que les gens écoutent de la musique et que celle-ci les touche, quelle qu’elle soit. Et vous préférez quoi ? La décadence courtoise de Ghost dont le manque de créativité n’embrase que de pauvres moutons de Panurge ? Les clowns de Kiss et leur cour des miracles ? Ça rigole moins quand ça tombe sur des groupes qui vous touchent et qui, pour moi, n’ont guère plus de talent. Tout le monde a le droit d’exprimer un avis tranché et même d’y mettre un peu de mauvaise foi, il faut en rire, en débattre avec courtoisie et surtout ne s’enfermer dans aucune chapelle.

Flo : Je vais y aller de ma contradiction pas du tout objective ! Non heureusement les mômes n’écoutent pas que du Jul, ils ont même trouvé pire. Mais franchement, rendez-moi Thin Lizzy, les Who, Queen, Bowie, Alice Cooper et tous leurs copains. Ouais c’est une bonne phrase de vieux totalement assumée ! Mais plus sérieusement... Gardons en tête que le meilleur est toujours à venir et que même si on a tendance à croire que tout a déjà été fait, dit, entendu, toute une nouvelle génération d’artistes est là pour nous prouver le contraire. Sauront-ils durer ? Voilà, la bonne question.

Article paru dans le numéro 373 de Guitar Part.

Galerie photos

Vous aimez cet article ?
resdqcd
Alors allez faire un tour sur notre espace pédagogique, vous y trouverez une centaine de vidéos matos, des tests de guitares, de pédales, des tutos et plus encore !
Découvrir
Interviews
Cyril Trigoust et Flo S.
18/12/2025
Paolo Terlizzi
plus d'articles
Je ne trouve aucun article en rapport :(