
Commençons par de doux mots d’apaisement. Nous accordons aux vinyles une place dans nos pages d’actus car nous sommes clients de cet objet doudou nous renvoyant à notre adolescence. Baignés dans un monde immatériel, nous témoignons notre respect à l’artiste en craquant parfois pour une édition qui sera du plus bel effet sur notre étagère. Mais il ne faut pas non plus nous faire prendre des vessies pour des lanternes. C’est vrai, le Vinyle connaît un retour en grâce. Selon les chiffres 2024 du Syndicat National de l’Édition Phonographique, il passe devant le CD en valeur, manquant de peu la barre des 100 millions d’euros. La petite galette numérique reste toutefois au-dessus en volume avec près de 10 millions d’unités écoulées contre 6 millions de vinyles. Après s’être fait saigner les oreilles pendant des années avec le MP3, le grand public aurait-il de nouveau envie de la qualité ultime ? C’est plus compliqué que ça ! Dans notre «Mais pourquoi» sur « Brother In Arms », le premier album enregistré directement pour le CD, nous rappelions les mots de l’ingénieur Neil Dorfsman à propos de la réponse en fréquence de l’analogique, ses graves trop puissants et ses aigus marqués à corriger avant le pressage. Le vinyle n’est donc pas une garantie de qualité en soi, il reste dépendant du master. Jusque-là, pas de grande surprise. Mais savez-vous qu’il est fréquent aujourd’hui de presser des vinyles depuis un master numérique ? Pas de quoi en prendre ombrage s’il a été pensé pour son support, mais pour le tout analogique vanté par les fans du vinyle, on repassera ! Beaucoup fustigent d’ailleurs le numérique pour sa soi-disant compression. On vous renvoie à notre dossier sur la Hi-Res où nous expliquons comment les fichiers en haute définition (du lossless jusqu’au 24 bits/96 kHz, voire au-delà) restituent un son non compressé de meilleure qualité que l’analogique. Pour les fichiers les plus audiophiles, il s’agit du master audio à peine retouché, sinon pour équilibrer les volumes et s’assurer de la cohérence de l’ensemble. Plus authentique, c’est difficile ! Alors certes, pour profiter pleinement d’une source audio de si grande qualité, il faut mettre le prix dans le DAC (convertisseur analogique), le casque ou les enceintes, mais doit-on rappeler le tarif stratosphérique de certaines platines vinyles ? D’autant que la médiocrité n’a pas sa place ici, car on reste sur un support sensible à l’usure. Un diamant un peu fatigué et bonjour les craquements, souffles, pleurages (fluctuation de vitesse) qui font, aux oreilles de certains, tout le charme de l’objet. De notre côté, on préfère le charme plus discret du respect de l’œuvre originale.

… se rapporte à votre plumage, vous êtes le phénix des platines. En voilà, encore, une belle idée reçue ! Le vinyle n’a pas échappé aux sirènes du marketing et se vend désormais au poids avec le 180 grammes comme maître étalon. Il faut reconnaitre que cet argument n’est pas tout à fait faux, mais pas pour les raisons que l’on croit. Plus lourd est le disque, plus il a tendance à être rigide et donc rester parfaitement plat. D’un strict point de vue mécanique, il repose ainsi mieux sur la platine et réduit les vibrations parasites. Cela n’arrange rien au son, le master demeure l’élément clé. Au mieux, cet excédent de poids garantit de garder l’objet intact plus longtemps. Reste alors à évoquer la douceur et la chaleur que l’on accorde aux vinyles. Beaucoup n’ont pas oublié les premières années désastreuses du CD où quantité de filtres appliqués lors de l’échantillonnage balayaient une partie du spectre au point de provoquer une distorsion audible. C’est à ce début difficile que le CD doit sa réputation de son métallique que lui reprochaient, à raison, les audiophiles. Aujourd’hui, les enregistrements numériques autorisent une réponse en fréquence et un échantillonnage parfaitement cohérent. En somme, et c’est en soi une bonne nouvelle, tous les supports sont de qualité tant qu’ils sont bien traités, mais le vinyle ne trône pas au-dessus des autres, c’est un débat d’arrière-garde. Quant à sa fameuse dynamique, elle est davantage la résultante d’une maladie de l’industrie qui se nomme le Loudness War sur laquelle nous reviendrons dans un prochain «Mais pourquoi» tant c’est à la fois infiniment drôle et stupide. Résumé en une ligne, le vinyle a longtemps profité d’un mastering réalisé à plus bas niveau de volume autorisant une meilleure plage dynamique. Mais tout tenait à cette industrie qui martyrisait le master pour avoir un son plus percutant, au risque de perdre de la nuance. Le vinyle n’y est pour rien et c’est de l’histoire ancienne. De nos jours, sur un simple plan technique, le CD est au moins aussi bon, la Hi-Res le surpasse, mais aucun de ces formats numériques ne remplace le plaisir d’avoir un bel objet entre les mains. Et ça, c’est un argument tout à fait audible.


Article paru dans le numéro 373 de Guitar Part.
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