La genèse de « Nomad » se situe-t-elle avant ou après l’album et la tournée avec The Winery Dogs ?
Richie Kotzen : Deux chansons, Nihilist et Nomad, remontent à pas mal de temps et ont donc précédé le troisième album de The Winery Dogs. Je venais à peine de terminer « 50 For 50 » (2020) et je ne savais pas trop quoi faire de ces titres. J’avais sorti 50 morceaux pour mes 50 ans, je n’allais pas en rajouter (rires). Mais, lorsque j’ai composé Cheap Shots, cela a représenté comme un nouveau déclic pour un pur album solo, loin de mes autres collaborations.
Pour le coup, effectivement le terme solo n’est pas galvaudé !
Je ne dis pas que ce doit être la règle, mais, par définition, solo signifie « seul » ! Cela fait très longtemps que je me sens aussi très à l’aise complètement seul en studio. Très jeune, je travaillais avec un magnétophone et je savais même découper les bandes pour créer des morceaux. Il m’arrive de penser que je travaille bien mieux tout seul, sans passer du temps à expliquer à un musicien : « Non, non, ce n’est pas ça, sur la troisième mesure, il faut jouer comme ça ! » Ces discussions peuvent t’éloigner de ton inspiration initiale. Mais cela ne veut pas dire que je n’aime pas collaborer avec d’autres personnes. Je fais ce qui me plaît et, si ça plaît à d’autres, je suis ravi, sinon, je ne vais pas en perdre le sommeil. Je crois que c’est la bonne démarche, sinon, on peut devenir fou à chercher je ne sais quelle reconnaissance.
« Nomad » est au moins autant l’album d’un chanteur que d’un guitariste…
Absolument ! Je sais que cette interview est destinée à un magazine de guitare, mais j’ai réalisé très jeune que je n’éprouvais pas de passion pour composer et enregistrer des morceaux de guitare purement instrumentale. Je l’ai quand même fait sur mon premier album (« Richie Kotzen », 1989), mais je l’avais à peine fini que j’étais déjà en train de composer des chansons avec des paroles. J’aime m’exprimer ainsi, j’adore raconter des histoires. C’est pour cette raison que j’ai commencé à chanter dès mon deuxième album (« Fever Dreams », 1990). J’avais d’abord pensé à trouver un chanteur et on m’a encouragé à m’y mettre. Et j’ai adopté la même discipline que pour la guitare, en prenant des cours et en travaillant. Depuis, la première chose à laquelle je pense pour un nouveau morceau c’est au chant. Et le jeu de guitare ou le solo viennent en dernier. Ce n’était pas par snobisme que je ne voulais pas rester dans l’instrumental. Je trouvais qu’il y avait déjà trop de musiciens qui le faisaient bien mieux que moi.
Tu ne t’étais jamais essayé au chant avant ?
J’avais fait des tentatives à mes tout débuts, dans mon premier groupe. Mais on m’a vite fait taire (rires). J’avais 13 ans et j’avais encore un appareil dentaire. Cela altérait ma voix. Et tout le monde rigolait quand je chantais. Et puis un de mes amis du groupe avait une bien meilleure voix. Avec le groupe suivant, c’était pire, il y avait carrément trois super chanteurs. Dans le genre Steve Perry (Journey) ou Lou Gramm (Foreigner). Même le batteur chantait ! On ne faisait que des reprises et j’avais seulement droit à deux titres, We’re An American Band (Grand Funk Railroad) et Sharp Dressed Man (ZZ Top). Après on m’a aussi laissé chanter Addicted To Love de Robert Palmer.
C’était avant que tu viennes chercher gloire et fortune en Californie…
Je tiens à dissiper un malentendu sur mes débuts. Je ne fais pas partie de tous ces gens qui se sont installés en Californie pour réussir. C’est Interscope Records qui m’a fait venir à Los Angeles. J’avais à peine 20 ans. Jimmy Iovine et Tom Whalley m’ont signé au démarrage du label. Le seul vague succès qu’il avait connu était un rappeur du nom de Gerardo Mejía. C’est l’acteur Mark Wahlberg qui a cartonné ensuite (avec Marky Mark and the Funky Bunch, NDR). Je me suis retrouvé au milieu d’un cercle de gens très influents. C’est comme ça que j’ai rejoint Poison. Cela faisait un an que je composais avec des professionnels dans le but de décrocher des hits. Lorsque j’ai rencontré Brett Michaels (chanteur de Poison, NDR), il cherchait non pas un simple guitariste, mais quelqu’un pour composer avec le groupe. Et je reste convaincu que nous avons enregistré un formidable album (« Native Tongue », 1993). J’ai récemment vu un truc stupide sur internet qui m’a mis hors de moi. Il y avait un top des dix meilleures chansons de Poison et j’étais persuadé qu’ils incluraient Stand. Elle est sortie à une époque où on méprisait les groupes des années 80 et elle a bénéficié d’un énorme succès. Mais non. Il y avait des reprises même pas composées par le groupe ! Je ne me souvenais même pas que Poison avait joué ces chansons. C’était absurde ! Comme toutes ces listes des meilleurs musiciens faites par des gens qui n’y connaissent rien. Ce sont des mecs qui vendent probablement des assurances et qui se prennent pour des spécialistes de la musique du jour au lendemain…
Revenons malgré tout à la guitare. À commencer par ton amour des Fender Telecaster…
Pour moi, c’est l’instrument parfait. C’est comme une page blanche sur laquelle tu peux tout écrire ou dessiner. Et ce que j’apprécie surtout, c’est qu’elle me permet d’avoir mon son, sans artifice. Lorsqu’on me prête d’autres guitares, même formidables, je n’arrive pas à établir la même connexion. C’est aussi pour cette raison que je joue de plus en plus aux doigts depuis des années. Cela donne une sensation encore plus forte sur ma guitare. J’ai besoin de me sentir libre et la Telecaster me laisse aller où je veux. Je me souviens très bien du tout premier modèle signature que m’a proposé Fender, en 1996. On m’avait alors conçu une Stratocaster et une Telecaster. Depuis, mes modèles sont très différents de ceux que tu trouveras dans les magasins. C’est la première qui dispose d’une découpe pour le confort au dos de la table. C’était une demande que j’avais faite et que les gens de Fender ont réalisée sans le moindre exemple. Les dimensions du manche sont spéciales, de même que les frètes et la configuration des micros. Mais j’ai aussi quelques modèles vintage que j’affectionne.
Annoncé pour le 7 mars 2025, « Black Light/White Noise » est donc le deuxième album de la très étonnante et fructueuse collaboration entre Adrian Smith et Richie Kotzen, sachant qu’il faut y ajouter un EP 4 titres inédits, « Better Days », sorti fin 2021, avec même une version « Better Days… And Night » agrémentée de cinq morceaux live. Sur les réseaux sociaux les deux intéressés se sont déjà exprimés quant à la suite très attendue de ce projet. « C’est comme une famille qui s’est agrandie, se réjouit Smith, nous avons un son et une atmosphère et je ne crois pas que beaucoup d’artistes sont comparables, partageant comme nous le chant et les guitares. Cela m’évoque les groupes classiques comme Humble Pie ou Cream. Ce qui n’est pas une mauvaise référence pour nous situer. » « Il existe un ADN Smith/Kotzen désormais, poursuit Kotzen, et c’est vraiment quelque chose que nous voulons défendre sur la route. J’ai été enchanté de travailler avec mon ami Jay Ruston sur le mixage de l’album, sans oublier mon épouse, Julian (Lage), qui joue sur White Noise et quatre autres morceaux. »
La vidéo du titre « White Noise » est déjà disponible.
Tracklist : 01. Muddy Water - 02. White Noise - 03. Black Light - 04. Darkside - 05. Life Unchained - 06. Blindsided - 07. Wraith - 08. Heavy Weather - 09. Outlaw - 10. Beyond The Pale