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ACDC, 50 ans : forever young

Ils ont les riffs, ils ont les hymnes, ils ont le son, ils ont l’attitude. GP profite de la venue d’AC/DC en France (le 13 août) pour célébrer 50 ans d’une carrière non sans faille, mais sans grand déballage. Une célébration du rock pur et dur, avec un groupe de fans-spécialistes, les journalistes Philippe Lageat (Rock Hard) et Jean-Pierre Sabouret (Guitar Part) et les guitaristes Mathieu Albiac (Koritni) et Médrick Miara (Quiver), qui reviennent sur ce Power Up Tour, une dernière tournée dont il faut profiter.

Certains d’entre vous ont assisté au coup d’envoi du Power Up Tour donné le 17 mai à Gelsenkirchen en Allemagne. Les premières vidéos qui circulent permettent d’avoir un aperçu de la setlist très dense qui fait une petite place au dernier album avec Demon Fire et Shot In The Dark

Phil Lageat : Pour commencer, j’ai eu la chance de les voir au Power Trip le 7 octobre dernier (à Indio, Californie, avec Judas Priest). C’était un one-off. J’étais ravi de les voir sur scène, d’autant que le groupe n’avait pas tourné après la sortie de « Power Up » (en novembre 2020) : avec le covid, tout a été décalé… Une très belle setlist de 24 titres, la plus longue qu’ils aient jamais jouée à ce jour. Ce concert avait des allures de test. Les mois ont passé…AC/DC est un peu spécialiste de ça : ils ont disparu de la surface de la Terre jusqu’à l’annonce de cette tournée. Je suis allé les voir sur les premières dates à Gelsenkirchen (17 et 21 mai), puis à Séville (29 mai et 1er juin). C’était la même setlist que sur le Power Trip, très complète, avec 24 titres. Évidemment, ils ne vont pas piocher dans les albums les moins aimés, « Flick Of The Switch », « Fly On The Wall » et « Blow Up Your Video ». Elle est assez représentative de leur discographie, avec deux morceaux du nouvel album, tous les classiques et des titres qu’on n’a pas souvent l’habitude d’entendre comme Riff Raff qu’ils avaient joué avec Axl Rose en 2016. Je les ai trouvés bien mieux sur ces premières dates, Brian retrouvait mieux son souffle. Après, en Italie, ils ont supprimé trois titres de la setlist qui compte désormais 21 morceaux et c’est ce que l’on verra à Paris (le 13 août). Ils ont viré Dog Eat Dog, Giving The Dog A Bone et Hell Ain’t A Bad Place to Be. Le groupe est plus carré au fur et à mesure des dates, surtout Angus qui continue à faire le show malgré ses cheveux blancs. Il assume, il ne fait plus des teintures de grand-mère. Il fait son duck-walk, il joue avec sa cravate en guise d’archet sur Sin City et se roule par terre sur la plateforme élévatrice sur Let There Be Rock. Il garde sa chemise pendant tout le show et sa casquette assez longtemps, l’idée étant de projeter une image un peu plus jeune parce qu’il va avoir 70 ans l’année prochaine et Brian 77 ans. Ça reste un show remarquable et puissant. Ils jouaient très, voir trop fort sur la tournée précédente. Et puis ça reste AC/DC, même s’il n’y a plus Malcom Young, Phil Rudd, Cliff Williams. Ils commencent le concert par If You Want Blood et c’est parti. Ceux qui considèrent aujourd’hui AC/DC comme un tribute band sont à côté de leurs godasses. Je vais voir ce groupe pour le remercier. On imagine bien que c’est un peu la Der des Ders pour Brian Johnson. J’y vais pour profiter et rendre hommage à ce groupe qui continue de se battre. AC/DC, ce n’est pas les Stones. Mick Jagger est remarquable, mais voilà un groupe qui joue une musique plus exigeante, tant au niveau vocal que physique. Je les ai trouvés bien et je suis sûr que ça va aller au bout.

Brian Johnson et Angus Young sur la scène du Power Trip le 7 octobre 2023 à l’Empire Polo Club d’Indio en Californie © Christie Goodwin

Des fans ont carrément posté des vidéos intégrales de ces concerts. Bien sûr, le son est moyen et il n’y a pas l’énergie, mais cela permet de se faire une première idée sur le line-up d’AC/DC en 2024…

Mathieu Albiac : Ce qui m’avait épaté au Power Trip, c’est qu’ils ont été généreux au niveau de la setlist qui est dense et sans temps mort, vu qu’ils ont viré The Jack et le strip tease d’Angus qui devenait anecdotique avec les années. Les premières images que j’ai pu voir montrent un groupe plus acéré. Quand je vois Matt Laug à la batterie, j’ai l’impression de retrouver le Phil Rudd de la tournée « Ballbreaker » (en 1996). Il apporte une pulse monstrueuse. À la basse, Chris Chaney n’a pas le même jeu ni la même dégaine que Cliff Williams, mais c’est carré. Ça permet de mettre en lumière Brian et Angus. Sur ses dernières apparitions avec Muse ou les Foo Fighters, on voyait que Brian galérait. Il sortait tout juste de ses problèmes d’oreilles, il a des ear-monitors adaptés depuis. C’est un hurleur et tout ce qu’il ne peut plus faire, il le fait groover différemment. La version de Rock’n’Roll Train de cette tournée sonne mieux que celle d’il y a 15 ans. Angus est lui aussi dans l’énergie, même s’il y a des petites imperfections. J’ai hâte d’être à Longchamp (le 13 août).

PL : Tu as dit des choses très justes. Quand je suis allé les voir au Power Trip, ma grande interrogation portait sur Matt Laug. Le batteur dans AC/DC, c’est le cœur de la machine. J’avoue que Chris Slade m’avait un peu déçu sur la tournée précédente, comparé à ce qu’il faisait en 1990-1991 où il avait donné un coup de boost au groupe. Matt Laug est un fan de Phil Rudd, il fait bien le job et on a finalement le batteur le plus proche de Phil que le groupe ait connu. Ni Simon Wright (1983-1989) ni Chris Slade n’avaient ce groove. Là, on est dans le fond du temps avec une frappe très forte qui emballe la machine. Chris Chaney était un peu timide au début, même pour un requin de studio comme lui, c’est quelque chose de débouler sur scène avec un groupe légendaire. Il est très bon sur les chœurs. Et pour en revenir à la setlist, ils ne se facilitent pas la tâche : on n’a pas ces morceaux de transition comme The Jack ou Jailbreak qui permettaient à Brian de retrouver son souffle. C’est une setlist courageuse, presque trop ambitieuse.

Jean-Pierre Sabouret : On dit parfois que ce groupe fait tout le temps la même musique, que ça ne change jamais, mais je trouve qu’il y a un monde entre « For Those About To Rock » et « Flick Of The Switch », entre « Blow Up Your Video » et « Ballbreaker »… Je trouve ça génial d’avoir une nouvelle incarnation de cette bête qui refuse de mourir. J’essaie d’imaginer la police d’assurance d’Angus, il ne doit absolument rien lui arriver sur la tournée, on doit le mettre dans une petite boîte avec du coton ! La période Bon Scott, c’était un AC/DC plus garage, plus blues et après ils ont concilié ça avec les plus grosses scènes. L’adéquation est parfaite. Aujourd’hui c’est plus compact, massif. On peut dire ce qu’on veut du jeu d’Angus ou du chant aujourd’hui, mais même dans les années 80 j’ai vu des dates où Brian avait beaucoup de mal. Ces groupes-là faisaient des tournées tellement intensives, ils ne pouvaient pas être en forme tous les soirs, surtout avec une musique aussi exigeante et des morceaux qui ne font pas de cadeau. Je vois des tribute bands, et il y en a peu qui jouent aussi longtemps des morceaux aussi pêchus.

Médrick Miara : Je rebondis au sujet de Matt Laug : on voit à quel point c’est un fan de Phil Rudd aussi sur quelques détails, comme le gant qu’il porte à gauche sur la caisse claire. On sent le perfectionnisme, la rythmique implacable, sur les vidéos que j’ai pu décortiquer. Mais je vais voir ça de mes yeux à Wembley et à Paris. Tout le monde prend un peu ses marques, même si Matt Laug m’a déjà impressionné sur le Power Trip. Avec Chris Chaney à la basse, ça donne un élan de jeunesse et un vent de fraîcheur incroyable. Quant à Stevie, sur le Power Trip, c’était un peu confus. Je pense que « tonton » (Angus) a dû un peu resserrer la vis et c’est beaucoup plus précis.

Chris Slade a dit un jour : « Le génie de Mal’ et Angus, c’est de laisser croire que ce qu’ils jouent est simple, ce que leurs chansons, en dépit de leur apparence, ne sont absolument pas. Il faut passer du temps à les décortiquer ». Non, AC/DC ne joue pas toujours les mêmes riffs et surtout il n’a jamais cherché à suivre les courants ou les modes, et c’est aussi ce qui lui a peut-être coûté cher dans les années 80. Comment ce groupe a-t-il transcendé son succès dans les années 90, qui sont loin d’être faciles vu les mutations sur la scène metal, après sa traversée du désert dans les années 80…

PL : Ce dont tu parles est surtout un phénomène français. À l’échelle mondiale, même dans les années 80, AC/DC continue de cartonner. En 1984, quand ils remplissent un demi-Bercy, ils viennent de faire 100 000 personnes à Donington, en 1985 ils jouent deux soirs devant 350 000 personnes à Rock In Rio (avec Van Halen et Scorpions). En 1988, Stevie Young remplace Malcolm qui est en cure de désintoxication à cause de l’alcool et ils font leur plus longue tournée américaine avec plus de 70 dates. Même si les ventes sont moins bonnes que celle de « Back In Black », ça reste un phénomène français qui a été orchestré par Enfer Magazine. Ils détestaient « Flick Of The Switch »…

JPS : Cela avait même commencé avec « For Those About To Rock » qu’ils avaient qualifié de « plus mauvais album de l’année ».

PL : Oui, ils étaient très durs. Et puis dans ces années-là, 1982-1983, il y avait Iron Maiden qui était en train d’exploser et Metallica qui arrivait. Ces groupes-là, dans des styles différents ont apporté autre chose et une jeunesse qu’AC/DC n’avait plus vraiment, parce qu’ils commençaient à se répéter au niveau des shows. Il a fallu attendre « The Razors Edge » en 1990 et Thunderstruck qui est devenu un hit incontournable : aujourd’hui, c’est probablement le morceau le plus attendu en concert. Il est multi-générationnel. Thunderstruck a relancé la carrière d’AC/DC qui, ne suivant pas les modes, est donc indémodable. Gérard Drouot Productions a eu le courage de les programmer au Stade de France en 2001 quand d’autres tourneurs se seraient contentés d’un Parc des Princes. Depuis, ils n’ont que très rarement joué en salle. On va voir AC/DC comme les nouveaux Stones, c’est devenu un groupe « familial ».

Dans ton livre, Tours de France, tu cites Jean-Pierre qui écrivait à l’époque dans le magazine Hard Rock : « À l’heure où tant de groupes nous assènent des œuvres aux ambitions démesurées, “Blow Up Your Video” se tient soigneusement à l’écart en nous proposant juste une bonne dose de rock’n’roll façon Young & co ». Peut-on réhabiliter ces albums des années 80 et notamment « Flick Of The Switch » ?

PL : Il a été réhabilité ces dernières années par les fans « die hard ». Si vous l’écoutez, il a une production poppy avec les chœurs… C’est beaucoup plus cru, mais ça reste un album qui a une sacrée patate et qui est vraiment bon. Je pense qu’il souffre uniquement du fait d’arriver après Mutt Lange (producteur de « Highway To Hell », « Back In Black » et « For Those About To Rock »).

JPS : Je dirais qu’il y a un monde entre « Back In Black » et « For Those About To Rock » qui est un peu l’album de « metal » années 80 d’AC/DC. Ce n’est plus le petit groupe de rock & roll, c’est une espèce de géant et qui se mesure aux ténors du hard-rock ou du metal de l’époque. En interne, ça a un peu gêné les musiciens qui étaient contents après ça de retourner un peu dans leur garage avec un petit son quand même bien vicieux et des morceaux plus intimes, moins spectaculaires. C’est peut-être ce contraste qui a le plus gêné entre les deux albums. Mais encore une fois, si contraste il y a, c’est la preuve qu’AC/DC ne joue pas la même musique d’un album à l’autre…

PL : Là où AC/DC suit un peu la mode probablement malgré lui, c’est quand il bosse sur « The Razors Edge » (1990) avec Bruce Fairbairn (Aerosmith, Bon Jovi), qui a vraiment un son américain. C’est probablement un des albums qui a le plus mal vieilli, parce que le son est daté. Ça va bien sur Thunderstruck, mais je peux comprendre qu’ils ne jouent plus les autres morceaux aujourd’hui. Sinon, AC/DC ne suit pas les modes, d’ailleurs dans la période hair-metal, c’est un des rares groupes qui évite les permanentes, là où Ozzy Osbourne par exemple y va à fond. Avec leurs t-shirts noirs, les gars d’AC/DC ne vont pas envoyer du rêve. Ils étaient à l’époque comme ils sont aujourd’hui. La musique avant tout.

Au niveau de la scène, c’est assez dépouillé : on est à l’ère des écrans géants. On sort les incontournables, les canons de For Those About To Rock et la cloche de Hell’s Bells, mais il n’y a plus la structure gonflable de Whole Lotta Rosie

PL : La production est minimaliste en apparence, mais ils ont un jeu de lumières incroyable réalisé par Cosmo Wilson, qui est un mythe au niveau des lights (il tourne avec eux depuis 1990). 

Sinon ce sont essentiellement des écrans très haute def, la Rosie est en digital et il y a peut-être 40 Marshall sur scène. C’est ce qui se fait actuellement, indépendamment de la cloche, des canons et de la palteforme. Mais je trouve ça bien, ça replace totalement la musique au centre. Tu n’as pas le train qui casse la scène ni la statue d’Angus, juste de la musique avec un très bon son et de jolies lumières. C’est ça AC/DC.

Le line-up d’AC/DC sur « Power Up » (2020) : Cliff Williams (basse), Phil Rudd (batterie), Angus Young (guitare), Brian Johnson (chant) et Stevie Young (guitare) © Josh Cheuse/Sony

Depuis toujours, les chansons parlent essentiellement de rock’n’roll, de la vie en tournée, de sexe, beaucoup de sexe, mais il y a quand même une évolution dans l’écriture. Bien sûr, ils ont alimenté quelques polémiques (musique du diable, le tueur en série Richard Ramirez qui chassait ses victimes en écoutant Night Prowler…). L’époque a changé, l’écriture aussi…

JPS : Ça prouve qu’on ne fait pas très attention aux textes : si les gens savaient vraiment ce qu’est The Jack, ils ne chanteraient pas : « elle a la chtouille » (She’s got the Jack) ! Mais ce ne sont pas tant les références au sexe que celles au diable qui gênaient, surtout aux États-Unis, avec la Bible Belt et les lobbies chrétiens. Ils voyaient le diable partout, même dans Highway To Hell. Pour moi, AC/DC c’est de la poésie qui tourne sur trois ou quatre thèmes, surtout à l’époque Bon Scott qui faisait des jeux de mots et des métaphores comme les grands bluesmen. C’est miraculeux, avec aussi peu de matière, d’avoir réussi à l’étendre et de toujours retrouver des nouvelles versions de la même chose.

PL : Je suis assez d’accord, les textes de Bon Scott étaient très travaillés. Ce sont des poèmes avec beaucoup de double-sens. Lui-même appelait ça de la toilet poetry, de la poésie qu’on peut lire sur les murs des toilettes. Aujourd’hui, c’est Angus qui les écrit (et avec Malcolm auparavant). Brian, ça fait longtemps qu’il n’écrit plus. Les textes sont plus simples, ils n’ont pas la même finesse que ceux de Bon Scott, en dépit des thèmes abordés. Mais c’est marrant de voir ce groupe qui parle de sexe chanter ça dans des stades, devant des foules énormes.

Revenons sur l’évolution du son AC/DC qui a pris un virage à la fin des années 70 avec l’introduction du système sans fil d’Angus… Pour du hard-rock, ils ont un son relativement clean…

MA : Déjà, il faut faire la distinction entre les sons en live et sur les albums studio. La tendance ces dernières années a été de dire que pour avoir le son de Malcolm Young, on doit jouer la Gretsch avec un son à peine crunch, très clean. C’est le cas sur « Ballbreaker », c’est légèrement crunch sur « Stiff Upper Lip », mais sur « Powerage » ou « Let There Be Rock », les sons de guitares sont hyper saturés, pour Malcolm comme pour Angus. Les Marshall étaient poussés à fond. Et puis Mutt Lange a eu la bonne idée de dire à Angus qu’il ne retrouvait pas le grain de sa guitare comme en concert. La différence de son venait du Shaffer Vega Diversity System, l’un des tout premiers systèmes sans fil, qu’Angus utilisait sur scène et qui intégrait un limiteur, un compresseur qui boostait le signal. Donc si Angus rentrait en direct dans son ampli Marshall, il avait un son crunch. Ce système sans fil apportait un grain caractéristique qui a fait le son d’Angus sur l’album « Highway To Hell » et les suivants. La marque Solo Dallas a répliqué par la suite ce circuit au format pédale. On ne sait pas exactement à quel moment ils ont arrêté de l’utiliser, Angus a été pris en mains par les différents producteurs en studio, même si, en réalité, ils ont toujours fait ce qu’ils voulaient. Il y a cette histoire avec Rick Rubin sur « Ballbreaker ». Les frères Young ont dit : « La seule chose qu’il a apportée, c’est une longue barbe »… Pour en revenir au sans-fil, ce qui est assez amusant et beau dans cette histoire-là, c’est que Angus a redécouvert le boost de son ancien système sans fil grâce à Solo Dallas qui lui a remis en mains propres sa pédale à l’occasion de la tournée « Rock Or Bust » , et il l’a intégrée dans son rack ! Je pense qu’il l’utilise encore sur la dernière tournée, il a un son assez saturé, peut-être pour compenser quelques approximations s’il y en a…

PL : Généralement les gens ne le savent pas, mais en concert Angus utilise toujours son un vieil ampli 50 watts qui est dans les loges. Il est repiqué dans la sono et il a un son absolument énorme. Sinon, pour entendre la différence avec son système sans fil, il faut regarder « Let There Be Rock » (1980), filmé au Pavillon de Paris en 1979. Ce jour-là, un dimanche, Angus avait eu un problème avec son système sans fil qui repiquait les fréquences des taxis qui passaient autour de la salle. Donc sur ce concert, il a utilisé un jack. Si vous écoutez ce live et n’importe quel autre concert de 1979, vous allez voir immédiatement la différence de son entre les deux. Ce système sans fil lui apporte un son particulier déjà à l’œuvre sur « Powerage » et les albums suivants…

Médrick : Sur scène, Angus adore le sustain, même si c’est sur une note, elle doit être impeccable. Il ne porte pas de ear-monitors et il a un mur de son derrière lui. Ça m’impressionne toujours. Il fait ça à l’ancienne. C'est pour ça qu’il a besoin de ce sustain, d’où le compresseur du Shaffer Replica, vu qu’aujourd’hui il joue avec un système sans fil Shure. Il joue sur son 50 watts parce que comme l’a dit Tony Platt (ingé son qui a travaillé avec Mutt Lange sur « Highway To Hell » et « Back In Black »), on peut pousser les HP à fond et les faire grésiller, et c’est ça qui fait le son AC/DC. Il a également déclaré : « Tout le monde peut avoir le son AD/DC, c’est très simple, il faut un Marshall et une SG… Par contre il faut aussi Angus ! »

JPS : Et il y a aussi pas mal de feedback…

MM : D’après Trace Foster, le guitar-tech d’Angus, toutes les têtes et les cab sont branchés sur scène. Quant à la tête d’ampli Marshall dont parlait Phil, on pourrait croire que c’est une JTM 45 ou une JMP, mais c’est une JTM 50 qui donne un peu plus de gain, de crunch. Ces amplis se font rares (produits entre 1966 et 1967, ndlr). Il y tient.

PL : Effectivement, et il est en loges, dans une pièce fermée à clé. Il est repiqué et Angus peut créer le feedback dans les enceintes qui sont sur scène.

MA : Il y a quelques groupes qui fonctionnent comme ça : la tête d’ampli est verrouillée à un endroit, le signal est envoyé dans une Isobox, une sorte de flight case renfermant de la mousse acoustique, un haut-parleur et un ou deux micros qui reprennent le son, pour ne pas avoir un signal trop direct. Ils branchent ensuite une autre tête sur un baffle en extérieur pour avoir un son un peu plus cohérent avec la salle ou le stade dans lequel ils jouent. C’est le mix de ces sources, mais en grande partie le son de la JTM 50, qui fait le son d’Angus en live.

MM : Et puis, on dit qu’il n’y a pas de pédales d’effets chez AC/DC. Le seul « effet » d’Angus c’est le Shaffer, mais aussi une Hush, une sorte de noise gate amélioré. Comme ils utilisent des vieux amplis qui peuvent ronfler un peu, ils le mettent au minimum pour adoucir tout ça sans perdre de sustain. Il y a un sweetspot à trouver pour qu’Angus se sente vraiment à l’aise. Les Marshall sont à fond et sur les tournées, quelqu’un est chargé de remplacer les lampes des têtes tous les deux ou trois concerts.

MA : Ils ont aussi leur propre « centrale électrique » pour convertir les courants en fonction des continents sur lesquels ils jouent. Et ils poussent très légèrement la tension électrique pour faire surchauffer un peu les lampes et avoir un son plus « énervé ». Forcément, ça use les lampes et il y a un gros turnover d’amplis en façade. J’ai d’ailleurs une question pour Phil : j’avais entendu que le Shaffer Vega était arrivé en studio sur Highway To Hell à la demande de Mutt Lange, mais sur « Powerage » j’entends vraiment le grain des amplis poussé. Il l’avait déjà ?

PL : Oui, il l’a déjà sur « Powerage » qui a été écrit et enregistré en deux sessions, la deuxième s’étant déroulée après une tournée américaine au cours de laquelle il a rencontré Ken Shaffer à New-York. Il est tombé instantanément amoureux du système vu qu’il bougeait beaucoup à l’époque : il allait dans la salle au milieu des spectateurs… Ce système lui offrait une grande liberté de mouvement, et il l’a utilisé ensuite sur la deuxième session de « Powerage », produit par Harry Vanda et George Young. J’ai fait une interview de l’ingé son de l’époque, qui confirme qu’Angus l’utilise sur quelques titres.

© Michael Putland

2024 est l’année des 50 ans. Là où tant de groupes font des tournées anniversaire (Stones, Scorpions, Judas Priest…) ou rejouent un album culte en intégralité comme Metallica avec le « Black Album », AC/DC ne verse pas trop dans la nostalgie. Ils sortent un album, suivi d’une tournée : ce qu’ils ont toujours fait finalement…

PL : Oui, déjà pour les 40 ans de « Highway To Hell » et de « Back In Black », ils n’avaient rien fait. Ils auraient pu sortir des coffrets avec des lives comme le fait Metallica sur l’ensemble de sa discographie. J’aurais adoré. Mais ils s’en foutent. Les « 50 ans », c’est une invention de la maison de disques.

JPS : La seule fois, où ils ont été un peu dans la nostalgie, c’est avec le coffret « Bonfire », qui était une volonté du groupe.

PL : Et puis avec les coffrets live et les DVD (« Family Jewels » 2005, « Plug Me In » 2007, « Backtracks » 2009…), quand Sony a fait un gros chèque pour les récupérer.

JPS : Mais je vois mal Angus et Malcolm se mettre autour d’une table à l’époque pour discuter des images qu’ils allaient mettre…

PL : Exactement. Là où « Bonfire » était une volonté de Malcolm.

Nous sommes tous d’accord pour dire que ce Power Up Tour est peut-être une tournée d’adieux qui ne dit pas son nom. Là encore, AC/DC ne fait pas d’effet d’annonce contrairement à d’autres qui placarderaient « tournée d’adieux » comme Scorpions ou Deep Purple, avant de repartir de plus belle…

PL : Je ne pense pas que ce soit des manœuvres de la part de ces groupes-là. Bien sûr que c’est une histoire de pognon, mais au moment où ils l’annoncent, ils se disent que ce serait peut-être bien d’arrêter là. Et les concerts aidant, ça continue.

JPS : C’est un peu comme la clope : demain j’arrête, et puis t’en prends une petite dernière ! C’est la preuve que ces mecs aiment ça, c’est leur vie. Le marketing, le pognon, est-ce que c’est si important à cet âge-là ? Ils sont accros à la scène, au public…

PL : Oui. Quand tu as vendu 50 millions de « Back In Black », est-ce que l’argent est un problème ? Angus a promis à son frangin d’aller jusqu’au bout, d’où le nom de l’album « Rock Or Bust », du rock sinon rien. À mon avis, AC/DC n’annoncera jamais sa dernière tournée ou son dernier concert. Un jour, on ira les voir, puis on ne les verra plus, et on comprendra que c’était leur dernier concert. On s’en rapproche. Ils n’ont toujours pas annoncé de tournée américaine. C’était d’ailleurs l’un des problèmes sur la tournée « Rock Or Bust », Brian Johnson voyait les dates s’accumuler alors qu’il avait prévenu qu’il ne pouvait pas en faire autant. Cette année, ils y vont pas à pas. Eux-mêmes ne sont pas totalement rassurés sur le fait de pouvoir multiplier les concerts. Je pense quand même qu’ils vont faire une tournée américaine, voire quelques dates australiennes. Mais après cette tournée, pour moi, Brian ne re-signera pas. Est-ce qu’Angus lui, ne pourra pas continuer avec un guest comme en 2016 avec Axl Rose ? Ça, c’est autre chose. Je ne crois pas qu’Angus soit prêt à arrêter, mais je pense que pour Brian, c’est le dernier baroud d’honneur…

Ils l'ont dit dans GP !

Depuis sa création, Guitar Part a publié 4 interviews d’AC/DC. Morceaux choisis :

Pour « Ballbreaker » (GP 21, déc. 1995) : Quand on tournera la page sur AC/DC, que souhaiterais-tu que l’on retienne ?
Angus : « Un truc du genre : eux savaient vraiment jouer le rock’n’roll. Ils nous ont fait passer de bons moments. Deux frères qui jouaient comme un seul ! »

Pour « Stiff Upper Lip » (GP 74, mai 2000) : Si un fan vient te voir en te disant qu’il n’écoute que la période Bon Scott, qu’est-ce que tu lui réponds ?
Angus : « On fait toujours du AC/DC, on a toujours le son, les chansons. Brian est un grand fan de Bon. D’ailleurs, c’est Bon qui m’a fait découvrir Brian. Lors d’un séjour en Angleterre, il m’avait dit : tu sais, Brian a vraiment une voix super, noire, un peu comme celle de Little Richard. Quant à Bon, il avait une manière de chanter très rock’n’roll. Lorsqu’il est mort, il n’était pas question pour Brian d’essayer de l’imiter. Brian est arrivé avec son propre style, sa propre identité. Et c’est ce qui fait notre force : nous sommes nous-mêmes ».

Pour « Black Ice » (GP 176, nov. 2008) : Tu comptes continuer jusqu’à la mort, comme les bluesmen ?
Brian : « Avant de commencer cet album, j’ai demandé à Brendan O’Brien (le producteur) de me faire une promesse : « Si tu considères que je ne suis plus assez bon pour ce job, dis-le-moi, je t’en prie ! Je suis un grand garçon, je ne vais pas pleurer, je disparaîtrais aussitôt. Juste le temps de dire au revoir (…) La dernière chose que je veuille, c’est de tirer le groupe en arrière (…) Je me retirerais, je prendrais du bon temps, je chanterai du jazz ou du blues peut-être ». Il m’a juste dit « ok ». Il n’a jamais rien dit d’autre. J’ai eu de la chance ! »

Pour « Rock Or Bust » (GP 249, décembre 2014) : Cet album montre qu’au fond, vous êtes un groupe de blues. Votre réputation d’être l’un des plus grands groupes de hard rock au monde n’est qu’un gigantesque malentendu ?
Angus : « D’une certaine façon, oui. Je dirais qu’on est juste un groupe de rock infusé au blues. On est peut-être un peu plus lourd et hard sur les bords, mais voilà. On joue du blues électrifié, un blues vraiment lourd et méchant ».

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