Alcest n’est pas vraiment un groupe, du moins pas au sens classique du terme. Peux-tu nous en dire plus ?
Neige (chant/guitare) :
J’ai commencé Alcest seul, en 2000, alors que j’étais en seconde. À cette époque, je faisais du black metal, un style sur lequel j’avais complètement flashé. Très rapidement, j’ai voulu faire quelque chose de plus personnel en m’éloignant peu à peu du black metal traditionnel. Je me suis occupé seul d’Alcest pendant quasiment 10 ans. C’était surtout un projet studio : je composais et j’enregistrais seul en jouant de tous les instruments jusqu’en 2009 où Jean Deflandre, le batteur, m’a rejoint. Pour le live, nous faisons appel à deux autres musiciens, un bassiste et un guitariste et ce, depuis 2010.
Pourquoi ne pas inclure ces deux musiciens qui tournent depuis pas mal de temps avec le groupe ?
J’ai joué seul pendant presque 10 ans, je compose tout… C’est un univers qui est beaucoup trop personnel pour pouvoir y inclure d’autres musiciens. Par contre, le bassiste a enregistré toutes les lignes de basse sur notre nouvel album, « Kodama », tout simplement parce qu’il est meilleur que moi et qu’il groove plus.
Laisser la basse à quelqu’un sur « Kodama », c’était une volonté de t’ouvrir un peu plus aux autres ?
En fait, dans la musique d’Alcest, les guitares ont toujours eu une place très importante avec la batterie un peu en retrait et une basse plutôt dans l’esprit de la new wave. Winterhalter (nom de scène du batteur. Ndr) et moi, nous avons voulu que le nouvel album soit plus rythmique, voire même tribal. C’était aussi une volonté de retrouver l’énergie qu’apporte la section rythmique lors de nos concerts.
Dans Éclosion, le second titre de l’album, il y a un gimmick de guitare qui fait penser quelque peu à The Cure. Est-ce une référence totalement assumée ?
Pour le coup, oui (rires) ! C’est clairement une référence à mon bagage new wave et post-punk. Je suis un grand fan de The Cure, de Joy Division, de The Sisters Of Mercy, Cocteau Twins, Dead Can Dance, tous les groupes de cette époque finalement.
Est-ce Robert Smith qui t’a donné envie de te mettre à la guitare ?
Non, pas vraiment. Je me suis mis à la guitare en découvrant le black metal mais, très rapidement, je suis passé à autre chose en m’intéressant à la new wave. J’ai gardé quelques réflexes du black metal comme des plans de batterie rapides sur certains passages, ou des parties de voix criées. Ensuite, j’ai découvert la new wave, puis le post-rock avec des groupes comme Mogwai ou Explosion In The Sky. Bon, Billy Corgan, via les premiers Smashing Pumpkins, m’a sacrément impressionné. « Siamese Dream » est sans doute l’album que j’ai le plus écouté de toute ma vie.
Sans doute parce que les morceaux de « Kodama » n’ont pas peur de s’étirer en longueur, l’ensemble a quelque chose de presque cinématographique. Composer une bande-son, est-ce un rêve que tu aimerais réaliser ?
Quand j’étais ado, je rêvais de sortir un disque et ça, on l’a fait. Pareil pour les tournées. Si un jour nous avons l’occasion de placer un morceau d’Alcest dans un film, ce serait génial. Je regarde beaucoup de films et je m’inspire pas mal de certaines B.O. pour composer parce que je trouve qu’elles racontent une histoire…
Alcest a tourné partout dans le monde : en Europe, aux États-Unis, en Asie, en Amérique du Sud, en Australie. Pourtant, on a l’impression que le groupe peine à trouver une certaine reconnaissance en France…
C’est juste… Nous avons essuyé pas mal de critiques depuis nos débuts et nous sommes souvent très mal compris en France et c’est sans doute pour ça que nous jouons très peu ici. J’ai quand même l’impression que ça va un peu mieux avec « Kodama » et qu’enfin, le public français se rend compte de ce que nous avons voulu faire avec Alcest : une musique sincère qui se joue des codes en vigueur.
Avec autant de continents traversés, de pays visités, quel est le souvenir qui t’a le plus marqué ?
Nous avons joués dans des temples au Japon. Il y avait des moines derrière nous qui supervisaient le tout. Vu la nature des lieux, les concerts étaient limités à une centaine de personnes par soir. On devait aussi enlever nos chaussures car nous jouions sur des tatamis… C’était assez irréel. Nous avons bien sûr joué avec des instruments acoustiques, il n’était pas question de balancer la sauce dans le temple. C’est sans doute la plus grande expérience que j’ai eue avec Alcest.
Neige et sa Fender Jazzmaster U.S. - Photo : © Olivier Ducruix