Des hybridations de styles laissent de marbre, d’autres pas... Et ce modèle américain Fender
a vraiment de quoi séduire – probablement plus encore que la Jazz Tele. La Jaguar Strat pourra-t-elle devenir un nouveau standard ? En tout cas, cette édition limitée pourrait déjà bien faire des émules.
La Fender Limited Edition Jaguar Strat est une réussite en termes d’originalité et de design qui, certes n’est pas très éloigné de quelques références bien connues, mais a le mérite d’oser une association qui attire
l’œil autant qu’elle intrigue. On reste pourtant sur une base
classique de guitare de type
Stratocaster, avec un manche
vissé, un diapason long, un
corps à double échancrure,
des chanfreins (moins prononcés ici), une configuration à 3 micros, un sélecteur
à 5 positions et un vibrato. Le potentiel sonore de la Stratocaster est ainsi conservé et s’affirme bien en situation de jeu. De la Jaguar, on retrouve la forme évasée
de la tête, les pièces d’accastillage à la découpe caractéristique, le modèle de chevalet/cordier vibrato et le pickguard Tortoise. Le second circuit électronique (accessible sur l’échancrure supérieure) n’a en revanche rien à voir avec celui d’origine (voir plus bas). La fiche technique n’est d’ailleurs pas très explicite alors que dans la pratique, son utilisation est très simple. Il permet de sélectionner une paire configurations de micros supplémentaires (manche/chevalet ou manche/central/ chevalet) lorsque le sélecteur de micros
est au centre. On obtient donc 7 configurations sonores en tout. En termes de filtrage, le potentiomètre situé à côté
du volume contrôle la tonalité (Tone) des micros manche et central ; et la molette
sur l’échancrure supérieure, la tonalité du micro chevalet. La tonalité sur le micro chevalet est superbe au minimum, puisque le voicing fait entendre un son de type
« téléphone », plus compressé et compact que la simple atténuation des aigus d’un Tone classique. Le cordier mobile est
très souple, ce qui offre un confort de jeu pouvant faire défaut au modèle vintage Synchronized Tremolo des Stratocaster. La possibilité de bloquer facilement le système vibrato est aussi un atout.
La griffe du son Strat, mais encore ? Les sonorités sont fidèles à celles d’une Stratocaster au caractère bien affirmé : des sons pouvant être un peu raides, acides, nerveux ou plus rond, un claquant qui a un bon maintien dans le bas du spectre et suffisamment de vie pour un instrument encore tout neuf. Les positions de micros en interposition sont très marquées. On retrouve les configurations électroniques d’une Stratocaster, et en bonus, une autre configuration à 2 ou 3 micros. La combinaison manche/chevalet est plus claire et ouverte que celle avec les 3 micros. Elle a moins d’effet de déphasage et de nasalité. La configuration avec les 3 micros produit un son plein avec une sonorité intermédiaire entre manche/central et central/chevalet. Cela apporte une sorte de continuité de configuration sonore avec les autres positions. La différence est réelle à l’écoute, on ne perd rien en puissance, nervosité ni tempérament. Cela fonctionne très bien tout en restant d’une ergonomie bien étudiée. La Fender Jaguar Strat apporte un renouveau sans rien renier du concept de la Stratocaster. On est un peu éloigné du circuit original de la Jaguar, mais la configuration proposée ici est incontestablement une réussite. Il s’agit d’une très sérieuse concurrente à la Strat, à essayer sans réticences si votre cœur balance entre une Strat Vintage 65 et quelque chose de plus original. Benoît Navarret
Caractéristiques
Ces boutons qui démangent La Jaguar s’est distinguée
de la Telecaster (et la Stratocaster) par une configuration électronique qui rompt avec les usages du début des années 1950. Près du chevalet, on retrouve les classiques potentiomètres de Master Volume et Master Tone, communs au duo de micros. En revanche, sur l’échancrure inférieure, les micros s’activent avec des interrupteurs indépendants (un On/Off par micro). Le troisième interrupteur active un filtre coupe-bas (en complément du Tone qui est un filtre coupe-haut) : il atténue les composantes fréquentielles dans le bas du spectre et rend ainsi le son plus saillant et cristallin. À contre-pied de cette configuration rock’n’roll/ surf, le circuit placé sur l’échancrure supérieure est dédié au micro manche avec un interrupteur d’activation, une molette de volume et une molette de Tone dont la fréquence de coupure est particulièrement basse, pour une sonorité plus feutrée et ronde du micro manche, peut-être une approche plus jazz du son. La nouvelle Jaguar Strat n’a pas reproduit ce schéma relativement complexe pour finalement renforcer l’identité rock du modèle.
Test paru dans le Guitar Part n°297