La dernière fois que j’ai vu Matt Pike, le guitariste, c’était au Desert Fest à Londres avec High On Fire. J’y avais laissé mes tympans et quelques litres de sueurs. Ce soir c’est une tout autre aventure sonique qui m’attend avec Sleep pour un set consacré à « Holy Mountain », le second album du trio. Texte : Christian Ravel - Photos : © Christian Ravel
L’avion a atterri avec bien du retard et, les formalités américaines étant longues et compliquées, j’arrive une vingtaine de minutes avant le début du concert. Juste le temps de me poser et de faire un tour de cette superbe salle qu’est le 9:30 Club. Ce lieu chargé d'histoire était à l’origine un petit club de Washington, à la jauge n’excédant pas les 200 places, et dans lequel jouaient essentiellement les groupes locaux punk et new-wave durant les années 80. Le 9:30 a changé d’adresse en 1996 et a élu domicile dans un bâtiment beaucoup plus grand, qui peut aujourd’hui accueillir environ 1000 personnes. Le club est composé d’une salle principale, d’un immense balcon et d’une petite salle en sous-sol avec écran pour mater le concert ou le match du moment. Il comporte pas moins de 5 bars (tous avec des bières différentes) et un coin snack. Bref, le genre d’endroit où on se sent bien tout de suite.
Ayant eu la chance de le fréquenter quelques fois ces dernières années pour les concerts de Mastodon, Kylesa, Kyuss, The Sword et quelques autres, je suis ravi d’y pénétrer à nouveau pour y voir Sleep, mais surtout Dylan Carlson qui se produit ici en solo, sans l’aide de ses camarades de Earth. Le bonhomme, sympathique, est seul sur scène avec ses pédales d’effet et un tout petit ampli Mesa Boogie Rectifier qui semble narguer l’armada de Sleep installé en fond de scène. « Salut, je suis Dylan Carlson, merci à tous d’être venus », les sobres présentations étant faites, Dylan nous entraîne dans son univers instrumental, mélange de drone et d’americana sombre et mélancolique. La parfaite bande originale d’un road movie américain. Le public écoute religieusement les 3 titres de Carlson en solo, tous issus de « Conquistador », son dernier opus : Conquistador, When The Horses Were Shorn Of Their Hooves et Reaching The Gulf. L’homme comblera ses fidèles fans de Earth avec The Bee’s Made Honey In The Lion’s Skull, suivi de Old Black, avant de tirer une dernière révérence et de quitter la scène sous les applaudissements d’un public conquis par une prestation aussi impérieuse qu'audacieuse.
La montagne sacrée Ici, pas de musique pour meubler pendant le changement de plateau, mais de vieilles conversations radios entre astronautes et leur base. Après de nombreux grésillements, conversations techniques et de multiples comptes à rebours, le vaisseau amiral Sleep s’élance enfin et envoie les premiers riffs de Dragonaut. Toute la salle, moins remplie cependant que la veille lorsque les intéressés jouaient « Dopesmoker » en intégralité, entre en communion. Matt Pike envoie les riffs, lourds et puissants, tandis qu’Al Cisseneros laisse ses doigts se promener sur sa basse, le tout à la cadence du jeu de batterie souple, mais précis et puissant, de Roederer. Les morceaux s’enchaînent (The Druid, Evil Gipsy, Aquarian, Holy Mountain), le son est excellent, et le public un brin parsemé me permet de me faufiler au premier rang et de savourer le final du concert avec Inside The Sun et From Beyond. Inéluctablement, Nain’s Baptism achève de manière magistral le set des Californiens. Comprenant qu’il ne pouvait laisser les spectateurs présents sur leur faim, le trio reviendra pour quelques titres (The Clarity et Leagues Beneath).
En ce 23 juillet 2018, au 9:30 Club de Washington, Sleep a offert un magnifique show et un plateau de rêve, avec la présence de Dylan Carlson en première partie. « Holy Mountain », sorti il y a 26 ans, reste indéniablement l’un des meilleurs albums stoner jamais écrit.
Dylan Carlson sera en tournée européenne du 02 au 18 septembre 2018 et de passage en région parisienne pour une unique date française le 14 septembre, à Montreuil, aux Instants Chavirés (7, rue Richard Lenoir). Sleep vient d’être confirmé comme tête d’affiche de l’incontournable Roadburn Festival à Tilburg (Pays-Bas), en avril 2019.