Guitar Part et toi avons un anniversaire commun, non ?
Vous célébrez vos trente ans comme Govt’ Mule ? Joyeux anniversaire ! De notre côté, nous avons déjà commencé à fêter ça sur scène (tournée « Thirty Years Strong », NDR). Le premier album, « Govt’ Mule » est sorti en 1995, mais le groupe s’est formé en 1994.
En trente ans, tu as sorti quatre albums solo, treize avec Govt’ Mule, quatre avec The Allman Brothers Band, sans oublier quantité de live ou de participations diverses (Derek Trucks, Greg Allmans, Dickey Betts, Phil Lesh, Peter Frampton, Mountain, William Shatner, Marcus King, Dolly Parton…)… Et là, un nouvel album solo 15 mois après celui de Govt’ Mule, alors que tu as énormément tourné… Quelle est ta recette miracle ?
J’adore tout simplement ce que je fais. J’apprécie toujours d’avoir la chance de pouvoir composer, enregistrer et jouer ma musique sur scène. J’ai toujours respecté une certaine discipline de travail, mais, après le confinement lié à l’épidémie de COVID, j’étais si heureux de pouvoir m’y remettre que j’ai encore augmenté la cadence. Je n’ai même jamais autant écrit de chansons de ma vie ! Être heureux, voilà, je crois que c’est le seul secret…
Ton « ami de trente ans », ou presque, Derek Trucks est venu te donner un coup de main…
Oui, au départ, j’avais cette chanson Real, Real Love que Gregg Allman avait commencé à composer avant de nous quitter (le 27 mai 2017, NDR). Je l’ai terminée et j’ai pensé à appeler Derek pour lui dire : « Hey, on devrait être tous les deux pour enregistrer cette chanson ! » Dans le fil de la conversation, on est même tombés d’accord pour écrire d’autres chanson. Nous avons donc passé quelques jours à composer tous les deux, avant d’entrer en studio. C’était magique ! C’était la première fois que nous jouions ensemble depuis la fin des Allman Brothers (après un ultime concert le 28 octobre 2014, NDR).
Comme toujours, l’album est moins simple qu’il peut paraître à la première écoute. On reste dans le domaine du blues et de la soul, mais le ton général semble plus apaisé, ou moins sombre, que ce que tu as souvent fait dans le passé…
Je crois effectivement que cet album inaugure une nouvelle direction pour moi. La musique et les textes sont plus optimistes et positifs, ou moins pessimistes, disons… C’est comme regarder ce qui m’entoure avec une nouvelle paire de lunettes. Avec tout ce que nous avons traversé ces dernières années, je ne voulais pas écrire des chansons sombres. Dans ma musique comme dans ma vie, j’ai commencé à considérer les choses sous un autre angle et cherché à m’aventurer sur de nouveaux territoires.
Le titre Hall Of Future Saints évoque néanmoins le passé, ta vie de musicien et tes influences.
En fait, il s’agit d’un rêve. Mais j’ai cherché à lui donner une certaine signification. Je me dis que ma vie est peut-être un rêve. J’éprouve ce sentiment des temps en temps.
Sur cet album, ou même sur tous les projets que tu entreprends, tu as un plan assez précis, ou tu laisses une large place à l’imprévu ?
Je dirai que je sais plus ce que je ne veux pas faire avant de me lancer. Là, je voulais être différent, de Govt’ Mule, bien évidemment, mais aussi de mes autres albums solo. Mais c’est lors du travail d’écriture que j’ai plus ou moins eu une vision générale de ce que j’allais enregistrer. Plusieurs morceaux avaient une sorte de tonalité « Muscle Shoals » (le studio mythique de Sheffield, en Alabama, plutôt spécialisé dans la soul ou le R&B, NDR). Je voulais explorer une veine que je qualifierai de country soul. Mais, au fur et à mesure que j’ajoutais de nouvelles chansons, l’ensemble prenait une nouvelle tournure. De plus, j’étais curieux de voir ce que ma nouvelle équipe de musiciens. Je n’ai quasiment pas fait de maquettes cette fois, contrairement à mes habitudes. Je présentais juste une ou deux fois mes chansons et on élaborait ensuite ensemble leur forme définitive. J’ai adoré procéder ainsi. Lorsque l’on travaille avec des excellents musiciens, il est primordial de les laisser interpréter leurs parties comme ils l’entendent.
Peux-tu nous les présenter ?
Il y a John Medeski aux claviers, Kevin Scott, le nouveau bassiste de Govt’ Mule et Terence Higgins à la batterie, qui avait déjà joué avec moi en tournée il y a une dizaine d’années, pour l’album « Man In Motion ». Ils avaient tous déjà joué avec moi avant, mais jamais ensemble. Mais, dès le départ, le groupe s’est parfaitement mis en place. L’alchimie était fantastique.
Lors de notre dernière rencontre, le single des Beatles, Now And Then, venait de sortir et, comme tu rends souvent hommage au groupe, on avait émis l’idée de la reprendre sur scène.
Je l’ai pas mal écouté depuis et je reste sur ma réserve. Je ne suis pas encore chaud pour la rejouer. Mais je reste ouvert aux suggestions…
On peut douter que tu aies recours un jour à l’AI comme les producteurs du titre l’ont fait… Que penses-tu de l’arrivée de l’intelligence artificielle dans la musique ?
Je crois qu’il y aura du bon et du mauvais. Cela peut être un outil appréciable, mais avec en même temps quelque chose d’effrayant. L’intelligence artificielle peut même devenir une sorte de monstre incontrôlable dans la musique. Une nouvelle technologie est toujours intéressante, mais le problème vient lorsqu’elle tombe entre de mauvaises mains. Souvenez-vous que lorsque la guitare électrique est apparue, nombre de musiciens étaient scandalisés. Howlin Wolf a longtemps détesté la guitare électrique.
As-tu utilisé de nouvelles guitares sur « Million Voices Whisper » ?
Une seule ! J Mascis, de Dinosaur Jr. m’a offert une Fender Jazzmaster, son modèle signature. J’avais joué avec son groupe et il me l’a donnée en remerciement. Vous pouvez l’entendre sur deux ou trois titres. Pour le reste, ce sont mes Gibson Les Paul ou 335 habituelles.
Sur « Million Voices Whisper », Warren Haynes a beaucoup utilisé un prototype d’ampli qu’il est en train de mettre au point avec Gibson et qui devrait être disponible début 2025. Il l’a branché avec deux autres amplis en parallèle, un Alessandro Recording et un Homestead Combo HS50. « Nous mélangions les trois amplis pour obtenir toutes sortes de sonorités originales, explique-t-il, d’autant que je voulais que les guitares soient moins proéminentes et plus subtiles sur cet album. Je ne peux encore en dire plus sur l’ampli Gibson qui nécessite encore quelques modifications, mais il devrait être fabriqué dans peu de temsp… »