Chuck Berry, l’une des plus grandes figures du rock’n’roll, est mort samedi 18 mars dans sa maison du Missouri située dans le comté de Saint-Charles, a annoncé la police locale. Charles Edward Anderson Berry Sr a été trouvé inanimé par les secouristes.
Il fallait bien sûr s’attendre à une pluie d’hommage après la disparition d’un des plus grands guitaristes de l’histoire du rock. Bruce Springsteen, Steve Vai, Slash, Lenny Kravitz, Stephen King, l’astronaute Scott Kelly, Ringo Starr, Mick Jagger (« si triste d’apprendre la mort de Chuck Berry. Je veux le remercier pour toute l’inspiration musicale qu’il nous a donnée. Il a illuminé notre adolescence, et insufflé de la vie dans nos rêves de devenir musiciens. ») et bien d’autres encore, tous ont salué via Twitter l’immense héritage laissé par le musicien. En France, Johnny Hallyday a fait part de sa grande tristesse. Jean-Louis Aubert et Louis Bertignac ont également confié sur les réseaux sociaux leur dette envers le chanteur et guitariste américain. « Au Revoir Chuck Berry! Tu resteras le plus grand, le plus gracieux, le plus créatif. Tu as tout inventé ! », a écrit Jean-Louis Aubert avec une vidéo des 2 artistes ensemble sur scène en juillet 2006, lors du festival des Terre-Neuvas, à Bobital, en Bretagne. « Adieu au père du Rock'n Roll, au Grand Maître du Duck Walk, au créateur d'immenses et jolies petites histoires, à l'empereur du riff de guitare, au chanteur qui fait danser les mots... Good bye Johnny B Goode... Bye bye wonderful Chuck... Merci pour tout !!! », a pour sa part commenté Louis Bertignac.
American Graffiti Surnommé « Crazy Legs » pour son jeu de jambes sans égal (la fameuse Duck Walk), Chuck Berry est né le 18 octobre 1926 à Saint-Louis (Missouri). Il apprend la guitare jazz durant son enfance et, après avoir accumulé une kyrielle de petits boulots, flirtant parfois avec la délinquance, il finit coiffeur, se marie et devient père de famille rapidement. Il arrondit ses fins de mois en jouant de la guitare dans des clubs, lorsqu’il est remarqué par le bluesman Muddy Waters. C’est en 1955 que notre homme enregistre sa première chanson, Maybellene, qui devient un tube phénoménal et marque pour lui le début de 10 années de succès. Chuck Berry met ensuite en boîte Thirty Days, No money down et Roll Over Beethoven (1956), avant d’enchaîner les tubes : School Days et Rock and Roll Music en 1957, Sweet Little Sixteen, Carol et Johnny B. Goode en 1958, Little Queenie, Memphis Tennessee et Back in the USA en 1959. À la fin des années 50, sa reconnaissance est immense et ses chansons sont connues de toutes et de tous. La raison d’un tel succès se trouve sans doute dans les thèmes simples et universels de ses compositions (la fête, les flirts, les voitures, l’école), des thèmes qui touchent le cœur des adolescents de l’époque. Chuck Berry devient alors le héros d’une jeunesse blanche fascinée par le rock.
Des hauts et des bas Une condamnation en 1961 avec un séjour de 2 ans de prison pour une affaire de mœurs va freiner, et surtout ternir, la carrière de l’artiste. À sa sortie, il va connaître une difficile période alors que certains de ses titres commencent à être repris par bon nombre de formations européennes, comme les Beatles ou les Rolling Stones. John Lennon, lors d’une émission de télévision datant de 1972, dira même de l’intéressé : « Si vous cherchez un autre nom à donner au rock’n’roll, vous devez l’appeler Chuck Berry. » Ce dernier renoue avec le succès une dizaine d’années après cet incident avec le titre My Ding A Ling (1972). À cette époque, il profite d’être au sommet des hit-parades pour multiplier les tournées avec des cachets frisant l’acceptable. Non sans quelques démêlés occasionnels avec la justice, Chuck Berry se fait doucement, mais sûrement oublié du grand public, jusqu’au jour de son 90e anniversaire où il surprend tout le monde en annonçant la sortie d’un nouvel album, son premier depuis près de 40 ans. Intitulé « Chuck », l’album a été enregistré dans des studios près de Saint-Louis et devait sortir dans le courant de cette année.
Johnny soit bon C’est sans nul doute l’un des plus grands titres de l’histoire du rock, repris un nombre incalculable de fois par des groupes, des artistes, de renom ou inconnus du grand public. Un classique du genre qui débute par un riff de guitare passé depuis longtemps à la postérité. Dans cette chanson, Chuck Berry y raconte la vie de Johnny, garçon de campagne illettré devenu star de la guitare. Enregistré dans les studios du label Chess, pendant l'hiver 57, Johnny B.Goode réinvente quelque part le rêve américain, une histoire pas si éloignée que ça du parcours atypique du guitariste passé d'un modeste salon de coiffure à la gloire internationale grâce à la musique… Pour le riff légendaire qui sert d'introduction au morceau, Chuck Berry s'est très largement inspiré d'un titre du jazzman Louis Jordan daté de 1946, Ain't That Just Like a Woman.
Elvis Presley, Jimi Hendrix, les Beatles, Elton John, nombreux sont les artistes qui ont repris à leur manière ce titre de légende. Les Français aussi d’ailleurs. En 1961, Eddy Mitchell et Les Chaussettes noires l'adaptent dans la langue de Molière sous le titre Eddy soit bon et, 3 ans plus tard, c'est au tour de Johnny de livrer sa version du tube avec Johnny reviens.
Si Johnny B.Goode était un monument, il serait sans doute inscrit au patrimoine de l’UNESCO. Ce n’est donc pas un hasard si, en 1977, afin d’étudier les planètes externes du système solaire, la NASA sélectionne la chanson pour un voyage interstellaire via le mythique programme Voyager et ses 2 sondes du même nom. L’agence spatiale américaine profite de l’occasion pour graver un disque doré (le « Voyager Golden Record ») dans lequel on retrouve le mot Bonjour traduit en 55 langues, des bruits divers (animaux, vie quotidienne, etc…) et des morceaux de musique savamment choisis dans le répertoire de Bach, de Mozart, de Beethoven et… de Chuck Berry. Johnny B.Goode est le seul titre de rock'n'roll retenu par la NASA pour présenter la terre à d’éventuels extraterrestres… En 2004, le titre se hisse à la septième place du classement des « 500 plus grandes chansons de tous les temps » établi par le magazine Rolling Stones. Un an plus tôt, le magazine avait également classé Chuck Berry à la sixième place des « Cent meilleurs guitaristes de tous les temps ».