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AYRON JONES - The Kid is alright

Le « gamin de Seattle » s’est forgé une solide expérience de la scène, particulièrement en France. Soutenu par une équipe de producteurs chevronnés, il livre un nouveau chapitre de son histoire sur « Chronicles Of The Kid ». Intense, sur scène comme sur album.

Notre première rencontre remonte à la sortie de « Child Of The State » qui a marqué un tournant dans ta carrière. Il y a définitivement un avant et un après.
Ayron Jones
:
Mon nouvel album, « Chronicles Of The Kid », revient justement sur ce qui a changé pour moi depuis que j’ai signé avec une maison de disques (sur Big Machine, le label du styliste américain John Varvatos, ndlr). J’ai vraiment senti le contraste : j’étais un artiste inconnu qui avait sorti deux albums en indé, et après ça, j’ai connu le succès. Mes chansons parlent de tout cela : les batailles, les défis, les succès, les joies, les peines, les peurs... Toutes ces émotions que j’ai connues depuis la sortie de cet album. Mes nouvelles chansons sont autant de chroniques de ces moments de vie et de mon expérience.

Tu as rapidement enregistré « Chronicles Of The Kid »...
Je l’ai bouclé en décembre 2022. J’ai écrit cet album sur ce que je vivais au moment présent, contrairement au précédent dans lequel je relatais ce que j’avais vécu jusque-là. Sur Get High par exemple, je raconte comment je me suis perdu dans le succès, les questions d’ego. Je jouais au bad boy avec cette image du mec noir et tatoué qui fait du rock’n’roll, qui boit et qui fume. J’aime cette chanson même si elle est très sombre et cynique. Personne ne nous apprend à gérer la célébrité, les filles, la drogue, l’alcool, la fête... Tu perds tes meilleurs amis du jour au lendemain sans rien comprendre. J’ai vécu tout ça et cela m’a fatigué. Je ne voyais plus ma famille (il a 4 jeunes enfants, ndlr). J’ai fait ça pour elle et aussi pour mes fans, mais je ne m’appartenais plus.

Mais heureusement, tu n’étais plus un gamin de 20 ans quand c’est arrivé...
Tu sais, on peut quand même se perdre quand on a la trentaine. Mais je sais être reconnaissant. Je remercie ma famille, ma femme et mes enfants, parce qu’ils ont dû faire face à tout ça. Je m’étais perdu en chemin, je devenais une rock-star. Et eux ont été patients.

Curieusement, tu n’as pas enregistré avec ton groupe de tournée, mais avec des musiciens et producteurs de Nashville qui ont co-écrit l’album avec toi, Marti Frederiksen à la basse et Scott Stevens à la guitare...
Sur mon album précédent, j’ai été numéro 1 au Billboard avec le single Mercy co-écrit avec Marti Frederiksen (qui a produit Aerosmith, The Struts, Mötley Crüe) et Scott Stevens (qui a écrit pour Halestorm, Skillet...). Il y avait quelque chose de spécial et nous voulions écrire de nouvelles chansons ensemble. Cet album est le plus abouti au niveau des textes, avec le concours de Zac Maloy (Shinedown) et Blair Daly (Tyler Bryant, Van Zant) également. Ces gars-là ont une grande expérience, ils savent écrire, enregistrer et produire des chansons. Je me suis immergé dans leur processus de création, j’ai beaucoup appris. J’aimerais bien entrer en studio avec mon groupe un jour pour enregistrer quelques chansons, peut-être pour un prochain album, et voir si l’on arrive à retranscrire ce qui se passe sur scène. Mais là, je devais travailler avec cette équipe.

Indépendamment de la musique et de l’expressivité qui se dégage de ta voix, les textes sont très forts. Celui du premier single, Blood In The Water, est sans doute le plus personnel...
C’est comme de la poésie. Ce sont autant de chroniques, d’histoires, de chapitres. Sur Blood In The Water je commence par « I didn’t cry the day she died, she couldn’t stand in tears ». Je parle de ma mère qui était alcoolique et dépressive. Son mari était routier, elle restait seule à la maison, en Arizona, sans ami, sans famille. Elle noyait son chagrin dans l’alcool. Un jour, j’ai reçu un coup de fil de son mari, les médecins lui avaient annoncé que son foie était fichu. Il fallait que je vienne en Arizona. J’avais 26 ans, ma mère 45, mais son corps était usé. J’étais là quand elle perdait vie. Je ne savais pas trop si je devais pleurer ou pas. Mais quelque part, ma mère n’aurait pas voulu que je pleure, elle m’avait préparé à ce moment toute sa vie. Elle connaissait l’issue. J’étais à côté du lit, et je l’ai remerciée de m’avoir donné la vie. Je parle égalementde mon père quand je chante : « I couldn’t pray on the day he died, for a man I never knew ». Comment aurai-je pu pleurer un père que je n’ai pas connu ? C’est une chanson très personnelle et spirituelle aussi. Quand tu n’as plus tes parents pour te réconforter, tu ne peux compter que sur toi.

De nombreux artistes afro-américains ont dénoncé les violences policières et ces histoires qui se répètent. Ta chanson My America s’inscrit-elle dans ce mouvement ?
Quand tu voyages, tu réalises à quel point ton pays est fou, mais tu l’aimes malgré tout. Cette chanson est une lettre d’amour ironique à l’Amérique. Malgré tout le mal et les souffrances que l’on se cause, malgré les désaccords et les bagarres, je l’aime et je serais prêt à mourir pour lui. Même si je ne cautionne pas les extrêmistes et les suprémacistes blancs, ils sont prêts à vivre et à mourir pour avoir le droit de dire en quoi ils croient. C’est là toute l’ironie de l’Amérique. La liberté de parole et d’exister, le rêve américain, voilà ce que je défends. Je suis pour la liberté d’expression, je ne vais pas censurer la parole des autres parce que je ne suis pas d’accord avec eux.

Tes chansons abordent des sujets très durs et très sombres, mais toujours avec une lueur d’optimisme comme Strawman...
Quand on dit que les immigrés viennent changer notre culture, c’est un problème qui n’existe pas mais que les gens créent pour exister. Je suis un homme noir, j’ai été cet homme de paille, mais malgré l’oppression et tout le mal que l’on a déversé sur moi, je me suis toujours relevé. Mes chansons sont très sombres, mais au final, il y a une forme de rédemption. C’est la nature même de l’existence.

Nous avons demandé à Ayron Jones de citer cinq albums qui l’ont particulièrement inspiré.
Dans le désordre, il évoque « Purple Rain » de Prince, « Axis: Bols As Love » (The Jimi Hendix Experience), Michael Jackson et « BAD », « Nevermind » de Nirvana dont il reprend Breed en live et, plus étonnant, le premier album d’Audioslave (2002). « On entend clairement l’influence d’Audioslave sur mon single Take Me Away. Autant la guitare de Tom Morello de Rage Against The Machine, que le chant de Chris Cornell de Soundgarden. Audioslave est sans doute le supergroupe le plus sous-estimé. C’est l’un de mes groupes préférés ».

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