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BRIAN RAY - L'employé du mois

Depuis 13 ans, Brian Ray est l’un des fidèles accompagnateurs de Sir Paul McCartney, passant avec une incroyable aisance de la guitare à la basse, selon les besoins de la chanson. L’intéressé nous reçoit dans un hôtel parisien situé non loin de l’Arc de Triomphe, pour parler de sa carrière quelque peu hors normes. Propos recueillis par Olivier Ducruix

Quelles sont les raisons qui t’ont poussé à faire de la musique ?
 À l’âge de 3 ou 4 ans, grâce à ma demi-sœur qui était plus âgée que moi de 15 ans et qui a vécu un moment sous le même toit que moi, j’ai pu écouter des artistes qui ont fait partie de la première vague du rock’n’roll... Car je ne suis pas si jeune que ça (rires) ! Quand je regardais les posters de ces artistes ou que j’écoutais les disques de Chuck Berry, The Everly Brothers, Jerry Lee Lewis, Elvis Presley, Little Richard, je sentais que j’avais ça en moi. Cela ne m’intéressait pas de jouer aux petites voitures ou aux soldats, je voulais faire de la guitare. En classe, j’ai commencé à jouer un peu de 6-cordes, mais je ne savais même pas comment l’accorder ! Puis, mon frère aîné m’a donné une guitare acoustique, une Gibson LG1 de 1960, et j’ai enfin pu commencé à jouer un peu plus sérieusement. Il m’a montré deux ou trois plans, puis je me suis débrouillé par moi-même pour progresser.

Tu n’as donc pris aucun cours ? Avant de vraiment me consacrer à la guitare, j’ai pris des cours de piano pour faire des récitals. Je me souviens avoir dit à ma prof que je voulais jouer du boogie-woogie et elle m’a répondu qu’elle n’apprenait pas à ses élèves ce style et que de toute manière cela n’était pas de la musique (rires) ! J’ai quand même réussi à lui faire admettre de m’apprendre au moins les lignes de basses au piano du boogie-woogie. Et je passais mes journées à ne jouer que ça ! Ensuite, lorsque j’ai eu l’âge de pouvoir trainer dans les magasins de musique, c’était la période où des groupes comme Them, les Rolling Stones, ou encore The Animals avaient du succès. Il y avait un truc que j’aimais particulièrement chez ces formations, c’était leur son d’organe un peu cheap, du genre Farfisa ou Vox. Cela me fascinait, alors j’ai voulu devenir claviériste. Puis j’étais obnubilé par les rythmes de batterie... et j’ai voulu être batteur. Un voisin m’a même donné un set de batterie pour que je puisse m’entrainer. Et finalement, je suis tombé amoureux de ma première véritable guitare, une vieille Telecaster que je me suis fait hélas voler. Là, j’ai su que je voulais devenir guitariste. Mais comme tu as pu t’en rendre compte, le chemin a été long avant que je me décide (rires) !

Faisons un bond dans le temps. Comment as-tu décroché ce job pour jouer avec Paul McCartney ?
 Je suis conscient de la chance que j’ai d’avoir réussi à convaincre Paul McCartney que j’étais la bonne personne pour tenir alternativement la guitare et la basse à ses côtés... C’est une histoire assez incroyable qui a commencé à Paris. Mon premier job ici, en 1996, a été d’accompagner Mylène Farmer pour son DVD « Live à Bercy ». Son batteur, qui avait été auditionné à Los Angeles, était Abe Laboriel Junior. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble, dans le quartier de République, à nous balader, boire du café, manger de la bonne nourriture. Nous avons également tourné avec Mylène, puis Abe et moi, nous avons été pris pour accompagner Johnny Hallyday. Pendant 5 ans, tous les deux, nous partagions notre temps entre ces deux artistes. Autant te dire que nous sommes devenus les meilleurs amis du monde. Ensuite, j’ai eu la chance de jouer sur l’album « Laundry Service ». Ce fut une grande expérience car je me suis prouvé que j’étais aussi capable de jouer pour ce genre d’artiste. J’étais content d’avoir eu ce job, mais en même temps, la période que le monde traversait était trouble. C’était pendant les événements du 11 septembre. Plus personne ne voulait partir en tournée ou juste se déplacer dans le pays. Je me suis alors demandé ce que j’allais faire, si j’allais avoir à nouveau du boulot... En janvier 2002, j’ai organisé une fête pour mon anniversaire. Abe était là et m’a dit qu’il allait partir en tournée après avoir enregistré un album avec Paul McCartney (sans doute « Drivin Rain ». Ndr). Il m’a également précisé que Paul et son groupe allaient se produire à l’occasion du Super Bowl pour jouer juste un titre. Lorsque j’ai demandé à Abe qui allait être le musicien qui allait switcher entre la guitare et la basse, il m’a répondu qu’il ne savait pas et qu’il cherchait quelqu’un. J’ai alors levé la main en l’air en disant : « Je veux être sur le coup ! » Deux semaines plus tard, le producteur de Paul McCartney m’appelait pour me dire que Paul cherchait un bassiste pour jouer au Super Bowl et m’a demandé si j’étais disponible. Bien sûr que je l’étais (rires) ! Et le Super Bowl fut finalement mon audition pour jouer à ses côtés. Je n’ai pas vraiment réalisé ce qui m’arrivait. Je pensais juste faire un titre pour cet événement. Après le Super Bowl, Paul m’a dit qu’il y aurait environ cinq semaines de répétition avant de partir en tournée. J’étais comme un grand enfant !

Mais avant cela, tu jouais régulièrement de la basse ?
 Mon expérience de bassiste était assez limitée. Je jouais essentiellement de la basse pour mes enregistrements. J’ai produit et arrangé pas mal de choses pour moi, mais aussi pour d’autres personnes, comme par exemple pour Smokey Robinson, mais bon, cela restait entre les quatre murs d’un studio. Je n’avais pratiquement jamais joué de basse en live. Avec Paul, le challenge était de jouer de la basse, mais aussi d’assurer les chœurs. Alors pendant cinq semaines, je ne suis quasiment pas sorti de chez moi et je me suis laissé pousser la barbe (rires) ! J’ai joué de la guitare électrique, de l’acoustique, de la basse, en m’entrainant devant un micro et par dessus un nombre incalculable de disques de Paul, en solo, avec les Beatles, avec les Wings... Tout ça pour être LA bonne personne pour Paul parce que, musicalement, il représente beaucoup pour moi.

Sincèrement, qu’est-ce qui a fait que ça a fonctionné ? Que tu n’as pas été considéré comme un guitariste essayant de jouer de la basse ? Je pense que cela n’a rien à voir avec le fait de faire illusion. Paul cherchait d’abord un guitariste complet qui pouvait jouer de la guitare électrique, rythmique ou en lead, et de l’acoustique, tout en sachant maîtriser la basse. À mon humble avis, il ne voulait pas d’un bassiste au jeu trop marqué. Il voulait un musicien qui traitait les morceaux avec respect et qui était capable de recréer les lignes de basse mythiques qu’il a composées. Et qui savait chanter en même temps, ce qui était mon cas !

En concert, comment se fait le choix des morceaux où tu joueras de la basse ou de la guitare ?
 En général, quand c’est un vieux titre des Beatles, Paul prend la basse. Il faut savoir qu’à l’époque des premiers enregistrements, il enregistrait la basse en même temps que le chant parce que, techniquement, c’était plus facile. Plus tard, la basse pouvait venir après. Dans certaines chanson de « Revolver » ou de « Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band », Paul posait d’abord une partie piano avec sa voix, puis il ajoutait plus tard ses lignes de basse. Et c’est pour ça que, si tu écoutes bien, certaines d’entre elles sont vraiment riches, pour ne pas dire complètement barrées (rires) ! Donc, pour les refaire maintenant, cela n’est pas chose aisée. Il préfère se concentrer sur le piano, par exemple, et me laisser la basse.

Dans ce cas, est-ce qu’il y a certains passages que tu as dû adapter pour que tu puisses les jouer ?
 Tu sais, ce n’est pas du karaoké et je n’ai donc jamais cherché à jouer un titre ou un passage à la note près. Dans le monde, il y a sûrement des bassistes qui revisitent les morceaux de Paul ou des Beatles beaucoup mieux que moi... à la croche près ! Mais ce n’est pas la façon de penser des musiciens qui entourent Paul. Nous voulons capturer l’esprit, la ligne directrice du morceau pour que l’ensemble reste vivant... Voilà mon excuse (rires) !

Quelles basses utilises-tu en général lorsque tu joues avec Paul McCartney ? Attends, laisse-moi réfléchir (il compte à voix haute. Ndr)... J’ai utilisé cinq basses différentes au total, depuis 13 ans. J’ai d’abord joué avec une Guild M-85 du début des années 80 équipée de deux humbuckers. Une basse vraiment extra et un gros son, mais un instrument très lourd qui a eu raison de mon épaule gauche (rires). J’ai donc opté ensuite pour une Gibson SG, un modèle short scale comme Paul les affectionne. C’est une basse très facile à jouer. Cependant, vu que son diapason est court, c’est parfois embêtant quand un morceau nécessite d’avoir un son qui descend plus dans les graves, surtout quand tu joues dans des très grandes salles ou des stades. J’ai alors choisi une Epiphone Jack Casady. Je joue dessus depuis deux ans environ. Mais bon, j’avais parfois quelques petits problèmes de feedback (la Jack Casady est une basse hollowbody. Ndr). Je suis donc revenu vers un modèle SG, mais fabriqué par Epiphone (modèle EB-3. Ndr) parce que cette version a un diapason plus long que celle chez Gibson. C’est vraiment une excellente basse avec un son puissant et très profond. Même si j’étais satisfait du son, je me suis permis une petite fantaisie : j’ai changé le micro en position manche pour le remplacer par celui de la vieille Guild M-85. Et le résultat est fabuleux.

Tu n’as jamais osé jouer sur une basse Höfner Violin ? Oh non, ça, c’est le domaine de Paul ! Je possède une Höfner President. Question électronique, c’est très proche du modèle que Paul utilise. Par contre, question forme, on se rapproche plus d’une Guild Bluesbird.

Et donc, pour faire sonner toutes ces belles basses, tu fais confiance à Ashdown pour ce qui est de l’amplification... C’est juste. J’ai toujours aimé cette marque et ce, depuis des lustres. J’ai longtemps utilisé une tête 900 (ABM 900 Evo III. Ndr), puis je suis passé au modèle BTA-400 équipé tout lampe. Cette tête dégage un son vraiment énorme. Les gens d’Ashdown m’ont spécialement construit deux enceintes, l’une équipée d’un HP de 15’’et de deux HP de 10’’ et l’autre équipée de six HP de 10’’. J’espère qu’un jour la marque commercialisera ces deux baffles car je trouve leur rendu vraiment excellent.

On t’imagine mal avec un pedalboard de fou...
 Et tu as bien raison. J’ai juste deux pédales et l’une d’entre elles est... un accordeur (rires) ! L’autre est une Fuzz que j’utilise sur le titre Queenie Eye que l’on peut entendre sur « New » (album McCartney sorti en 2013. Ndr), fabriquée par une boîte américaine : Wren And Cuff (www.wrenandcuff.com). Le modèle en question s’appelle Trie-Pie 70’s et son rendu sonore est très proche de celui d’une Big Muff. Il n’est pas forcément dédiée à la 4-cordes, mais avec une basse, je peux te dire que ça sonne incroyablement bien !

En marge de tes concerts et autres tournées avec Paul McCartney, tu as ton propre groupe, The Bayonets. Comment arrives-tu à concilier les deux ? Je me suis inspiré d’un nom français, tu as remarqué (rires) ? C’est parfois très compliqué de mener une carrière solo quand tu joues avec un artiste aussi renommé que l’est Paul... Et jouer avec Paul reste ma priorité. Alors, quand je me lance quand même dans l’aventure d’un groupe tel que The Bayonets, je me dois d’être efficace. Dès que j’ai un moment de libre, je compose pour moi, je réserve un studio pour enregistrer. La difficulté est que je ne sais jamais vraiment à l’avance quand les périodes d’inactivité avec Paul tomberont. C’est comme ça et c’est son droit. Et moi, je fais avec !



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4/4/2016
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