Après avoir élu domicile à l’Hippodrome de Longchamp pour sa première édition française, le Download Festival a choisi pour cadre une ancienne base militaire située à Brétigny-sur-Orge. Durant 3 jours, et sous un magnifique soleil, les amateurs de décibels en ont pris plein les mirettes et les oreilles. Brétigny-sur-Rock ? Olivier Ducruix - Photos : © Olivier Ducruix
Certes, l'Essonne, ça n'est pas le Pérou. Mais quand on part de la Capitale ou d'une proche banlieue, Brétigny-sur-Orge peut vite ressembler à une destination exotique... Fidèle à sa réputation, la ligne C du RER, celle de l'horreur et de tous les dangers (comprenez celle de tous les retards), s'est faite remarquée alors que le festival n'avait même pas commencé : panne électrique du réseau. Bref, du grand classique pour les habitués et un joyeux merdier pour débuter. Et comme si cela ne suffisait pas, une fois arrivés à la gare de Brétigny-sur-Orge, les festivaliers ont eu la désagréable surprise d'apprendre que le service de navettes pour les amener sur le site était totalement aux fraises : les organisateurs n'ont pas su anticiper (?) le flux continu de circulation. Comment ne pas avoir pensé en amont à ce genre de problème en étudiant la carte de la région, sans pour autant être ingénieur en topographie ? Mystère... Résultat : 40 minutes de marche sous un soleil déjà bien présent. Chapeau ! Heureusement et ce, malgré des contrôles de sécurité logiques et approfondis (plan vigipirate oblige), l'entrée se fait sans trop d'attente. Après tant de péripéties, la découverte du site est une belle et agréable surprise : grand, plus ou moins verdoyant selon les endroits (quelques mares de boue quand même pour rester dans l’esprit « festival de metal »), avec 2 immenses scènes côte à côte (Main Stage 1 et 2), des stands pour se restaurer ou boire un coup (avec modération ?) en nombre suffisant, un metal market à l'intérieur du site (bien vu), un chapiteau aux abords franchement boueux (Warbird Stage), du moins le premier jour et une quatrième scène perdue au fin fond de la base militaire (Spitfire Stage). C'est d'autant plus dommage que certains groupes auraient mérité une meilleure exposition (Mars Red Sky, Nostromo, Lost Society) et, surtout, de ne pas jouer en même temps que les plus grosses pointures. À noter que les campeurs avaient droit à du rab’ de musique via une programmation qui leur était uniquement réservée.
Vendredi 09 juin Un brin moins chargée que les 2 suivantes en nombre de groupes, la première journée n'en est pas pour autant inintéressante, bien au contraire. Pourtant, on n’a pas l’impression que ça se bouscule aux portillons, non pas du RER C, mais de la base aérienne 217. Les nombreuses galères pour arriver aux portes du festival n'expliquent sans doute pas le manque d'affluence de ce premier jour. La faute à un casting manquant globalement de consistance ? Allez savoir... Tant pis pour les absents car il y avait matière à passer de bons moments pour peu que vous aimiez l’emo (Pierce The Veil), le rock des années 70 (avec un Raveneye nettement plus convaincant sur scène que sur disque), le metal indus (Skinny Puppy), la noisy pop toujours aussi efficace de Dinosaur Jr. ou le hardcore metal de Hatebreed. Prévus comme les stars de la soirée, un poussif Blink-182 et un Linkin Park plus que jamais ennuyeux se sont fait voler la vedette par les Norvégiens de Kvelertak toujours aussi fougueux. Du heavy metal comme on l’aime, solide et enrichi d’excursions punkisantes. Mais les grands gagnants de la soirée restent assurément les Français de Gojira. Déjà, lors de la séance de dédicaces organisée dans le milieu de l’après-midi par Fender (et pour le coup Charvel et Jackson), on avait pu se rendre compte de l’incroyable popularité du quatuor. Généreux, les Basques l’ont été autant pendant cette séance avec pas moins de 8 guitares données (2 basses Squier, 3 Charvel, dont 1 signature Joe Duplantier, 3 Jackson, dont 1 signature Christian Andreu) que sur scène. Il fallait voir les visages des fans qui peinaient à croire qu’ils repartaient avec un instrument sous le bras… Gojira en concert, c’est une machine au son énorme, bien huilée, mais avec assez d’humanité pour ne pas oublier de communiquer, ou plutôt de communier, avec le public. La claque. Et pour finir en beauté, les Suisses de Nostromo et leur mélange de metal, de hardcore et de thrash assommaient définitivement les festivaliers.
GOJIRA - Séance de dédicaces au stand Fender
Samedi 10 juin Il ne fallait surtout pas rater la navette allant de la gare de Brétigny-sur-Orge aux portes du site (+ 20 minutes à pied sous le cagnard) pour voir le premier concert dans l’Hexagone de Black Foxxes qui ouvrait en beauté ce second jour du Download. Malgré l’heure presque matinale pour certains (14h), le trio anglais a livré un set bourré d’émotions diverses et variées, à l’image de son album éponyme que l’on vous conseille vivement d’écouter. Dans la même veine, Lonely The Brave a ravi les amateurs de rock au sens large du terme. Si les costauds de Devildriver ont fait le boulot en lançant les premiers headbanging de la journée, les choses sérieuses ont réellement commencé avec la prestation d’Alter Bridge, musclée et ultra efficace, avec un Mark Tremonti toujours aussi impressionnant et un Myles Kennedy beaucoup plus à son aise ici que quand il officie aux côtés de Slash. Sur une autre scène, Code Orange balançait son hardcore metal comme si c’était son dernier concert. C’est puissant, visuellement aussi, même si on a parfois l’impression que les intéressés en font un peu trop question grimaces. Les Suédois de Blues Pills sont arrivés à point nommé pour faire retomber un peu la pression (et accessoirement s’en jeter une), surtout qu’il commençait à faire sacrément chaud sur le site. Un soleil de plomb qui a vraisemblablement obligé les Anglais de Paradise Lost, tous de noir vêtus, à sortir la crème solaire (règle de base : toujours masser en profondeur afin que ladite crème pénètre l’épiderme). Pas facile de proposer du metal à forte tendance gothique sous le ciel bleu de Brétigny-sur-Orge et pourtant, Paradise Lost s’en est fort bien sorti avec une setlist faisant la part belle au dernier album du quintette, « The Plague Within ». Quasiment au même moment, au fin fond de la base aérienne, Aqme s’est employé avec ferveur à raviver les braises d’un neo-metal made in France que l’on croyait perdu. En début, de soirée, les bad boys de Five Finger Death Punch ont essayé d’emmener les festivaliers de l’autre côté de l’Atlantique, et plus précisément à Las Vegas, leur ville d’origine. Déjà que se rendre à Brétigny demande des efforts à la limite du soutenable, alors imaginez Vegas en RER C… Le heavy metal des intéressés, sans être mauvais, dégouline de plans maintes fois entendus. Un show de 5FDP, c’est un peu comme un burger en taille XXL : on trouve ça bon au début, puis on se demande si on arrivera à tout ingurgiter, pour finalement frôler l’indigestion. Mention spéciale tout de même à la section rythmique et plus particulièrement à Chris Kael, le bassiste et assurément le chouchou des photographes. Peut-être que le choix d’aller voir Soilwork aurait été plus judicieux… La fin de soirée allait se montrer à la hauteur de l’événement. D’abord avec Slayer. Emmené par un Kerry King très en forme, un Gary Holt habité, un Paul Bostaph titulaire à 100% et un Tom Araya toujours aussi souriant, le quatuor n’a pas fait dans la demi-mesure : backdrop de folie, son de mammouth et setlist du feu de Dieu. Les rois de la scène thrash sont décidément indétrônables. Place ensuite à System Of A Down. Le groupe, beaucoup trop approximatif dans ses mises en place, avait sacrément déçu pas mal de monde lors de son passage à Rock En Seine, en 2013. Mais ce soir, c’est une autre histoire. Si les 4 musiciens ne sont pas des foudres en matière de communication avec le public et de jeu de scène (à part l’intenable Shavo Odadjian, le bassiste, qui fait le show à lui tout seul), force est de constater que le quatuor a livré un set compact et maîtrisé. Si la furie des débuts semble aujourd’hui bien loin, les morceaux, eux, sont toujours là (Chop Suey!, Toxicity) et ont su électriser le public du Download totalement acquis à la cause de la formation américano-arménienne, avec des slammers qui, tels des vagues sans fin, déferlaient vers le devant de la scène.
Dimanche 11 juin Petit caprice dominical de notre chère ligne C du RER, histoire de laisser un souvenir impérissable, température en hausse, à la limite de l’orageux, jambes lourdes et coups de soleil. Bref, ce dernier jour du marathon francilien ne s’annonçait pas des plus faciles. Heureusement, alors que les dernières notes du metal progressif un poil trop édulcoré de TesseracT résonnaient, la bonne humeur et la générosité scénique de Red Sun Rising ont vite remis les festivaliers dans l’ambiance, tout comme Leogun sur la Main Stage 1. Entre ambiance manga japonais pour le décorum et discours digne d’un groupe de hardcore des années 90 se produisant à la MJC Gérard Philippe, les gars de Rise Of The Northstar n’ont pas peur des clichés. Pourtant, l’ensemble, puissant et compact, fonctionne à merveille. On adhère ou pas, mais sur les planches, ROTNS, ça reste du solide. Un peu en retrait des scènes, une autre séance de dédicaces organisée par Fender a rencontré un joli succès avec l’arrivée du bassiste de Mastodon, Troy Sanders, toujours aussi souriant et disponible. Notre homme, qui a un modèle signature chez la marque américaine (une magnifique basse Jaguar en Silverburst), a pris le temps de signer moult CD, vinyles et photos, et d’accepter tout autant de selfies. Chapeau ! Non loin du stand Fender souvent aussi bondé aux heures de pointe qu’une rame de métro de la ligne 13, Coheed And Cambria a investi la Warbird Stage. Prestation plus qu’honnête, voire même plutôt bonne, mais on regrette quand même les années plus folles du quatuor américain, quand celui-ci injectait une bonne dose de rock progressif et de surprises dans sa musique. C’était mieux avant ? Pour le coup, on aurait tendance à dire oui… Les fans de metal technique se sont massés en nombre devant la Main Stage 2 pour ovationner les Britanniques d’Architects et leur prestation. Des gros riffs et un chant écorché comme il se doit pour le style. Du cousu main qui nous aura empêché de voir le set explosif (selon les dires de certains collègues) de Lost Society, quatuor finlandais de thrash déjà repéré lors de la dernière édition du Motocultor Festival. Mike Muir est un frontman généreux et il l’a prouvé une nouvelle fois avec ses 4 autres compères de Suicidal Tendencies. Une prestation enlevée, à l’ancienne, durant laquelle le chanteur n’a cessé d’arpenter de long en large la Main Stage 1. Venu défendre son tout dernier et septième album studio, « Emperor Of Sand », Mastodon a sans nul doute livré l’un des meilleurs concerts (avec celui de Gojira) de cette seconde édition du Download. Question technique, les musiciens de la formation originaire d’Atlanta en ont à revendre. Pourtant, point de démonstration ici. C’est terriblement bien maîtrisé, mais avec ce petit quelque chose d’humain qui rend Mastodon plus qu’attachant. La suite (et la fin) du festival est toute aussi chargée que certains festivaliers après 3 jours de beuverie. Le passage de Rancid, groupe vétéran de la scène punk californienne, fait apparaître quelques crêtes jusque-là bien cachées. Un idéal mélange de ska, de punk et de rock’n’roll pour l’apéro. Quant au plat de résistance de la journée, il en a repu plus d’un. Avec un casting de rêve (3 ex-Rage Against The Machine, 2 Public Enemy et 1 Cypress Hill), les Prophets Of Rage étaient attendus au tournant. Alors oui, le timbre de voix de Zack de la Rocha manque cruellement sur certains titres piochés dans le répertoire de RATM (Bullet In Your Head, Killing In The Name, par exemple), mais globalement, Tom Morello et ses compères ont fort réussi leur première date parisienne, transformant le site du Download en un véritable volcan. Du groove, de la sueur, du rap à l’ancienne, des solos dantesques et une section rythmique aux allures de métronome vivant, ce fut assurément l’un des moments forts du festival. Tom Morello, parfois souriant, parfois le visage fermé pour mieux souligner le caractère politique de certains textes, ne ménage pas sa peine et offre une prestation de haute volée. L’intéressé n’a pas eu peur de montrer ce qu’il pensait du président américain avec un message (Fuck Trump) scotché au dos de sa guitare (la photo est disponible sur notre compte Instagram, ici). Un pur concert de rock, tendu et festif à la fois (mentions spéciales à l’interlude hip-hop drivé par la paire de rappeurs B-Real et Chuck D, avec DJ Lord aux platines, ainsi qu’au final en apothéose). Bon, pour ce qui est de la fête, difficile quand même de lutter face à Green Day. Durant au moins 2 bonnes heures, le groupe californien s’est donné à fond, faisant participer le public (trop ?) régulièrement, invitant des fans à partager la scène. Feux d’artifices, pétards (qui ont parfois mis à cran les gendarmes présents sur le site), changement de backdrop, déguisements, le spectacle est total pour le plus grand bonheur du public. Une belle façon de conclure cette seconde édition française du Download.
MASTODON - Séance de dédicaces au stand Fender
Avec 120 000 entrées sur 3 jours, on peut penser que le score est plus qu’honorable. Rentable ? Nous ne sommes pas en mesure de le dire et ce sera à la direction du Download de le faire. Vu l’affluence par jour, à part le samedi qui semblait complet, l’événement a sans doute une marge de progression intéressante pour ce qui est de sa fréquentation. Mais pour cela, il faudra assurément penser à de nettes améliorations concernant certains points, à commencer par l’acheminement des festivaliers sur le site. Certes, le festival est tributaire de la très chaotique ligne C et des efforts ont été faits pour permettre un retour sur la Capitale (ajout de rames de RER après les concerts), mais il devra grandement améliorer son service de navettes de la gare de Brétigny jusqu’au site, un service qui a totalement pris l’eau le premier jour. Vendre un événement estampillé Download Paris (sur le site et sur l’application) alors que l’événement se trouve entre 2h40 (premier jour) et 1h40 (second jour) de la Porte des Lilas, ça coince quelque part… Reste à savoir si la base aérienne 217 sera retenue l’année prochaine. Le lieu a du potentiel, encore faut-il lui donner un peu plus de vie et de cachet : 2 avions et une pauvre paire d’hélices perdue juste après l’entrée sur le site, en matière de décoration, il y a sans doute beaucoup à faire. Reconnaissons à l’édition française du Download d’avoir un peu plus que l’année dernière calqué l’esprit du festival sur la version anglaise avec ce mélange de metal et de rock au sens large du terme. Avoir à la même affiche Blink-182, Gojira, Black Foxxes, Lonely The Brave, Slayer, Dinosaur Jr., System Of A Down, Green Day, et bien d’autres encore, est une belle prise de risque quand on sait que le public français peut être moins ouvert d’esprit que son homologue britannique pour ce type d’affiche. Si le Download Festival Paris (ou France ?) s’installe dans la durée sur le site de Brétigny-sur-Orge, gageons que les organisateurs auront un peu plus de temps pour peaufiner une belle troisième édition. C’est tout le bien qu’on leur souhaite (un festival de cette trempe-là et avec une telle programmation ne sont pas légion dans l’Hexagone). Surtout que certains gros noms commencent déjà à être murmurés…