Il n’habite plus New York et il n’y a pas de quoi en faire un plat. Ou tout un pseudo story telling qui donnerait « l’impression d’une déclaration solennelle : “j’abandonne New York !” Il ne s’agit pas de ça. Je continue de penser que c’est une ville incroyable, peut-être la plus fabuleuse au monde. Et je m’y sens chez moi, cette ville me “définit”. Je suppose que c’est un peu comme une séparation, mais je me considère toujours comme un New-Yorkais. C’est là que je suis devenu ce que je suis. » Il faut reconnaître en effet que le chanteur guitariste de Parquet Courts a l’étiquette de la Big Apple chevillée au corps. Originaire de Denton, Texas, il n’a pas tardé à incarner le renouveau post-punk de la ville avec son groupe qui, bien sûr, envoie le bois. Cette décennie à Brooklyn l’a vu s’épanouir en tant qu’artiste complet (il réalise aussi,entre autres, l’artwork des pochettes des albums dans un style immédiatement reconnaissable – voir son portfolio sur son site internet) et engagé, au regard « politique » aiguisé. Parquet Courts, idées longues.
New York / Paris
Inévitablement,notre rapport au monde se construit sous l’influence du lieu où l’on vit... « New York est une des villes les plus chères du monde : si tu fais le choix d’être un artiste et que t u n’es pas riche – comme moi – tu dois vivre de façon “agressive” ; et faire ce que tu peux pour survivre. Et cette “agression” se retranscrit dans ton art. C’est pour ça que le Velvet Underground ne venait pas de Californie... et que les Mamas & Papas n’étaient pas de New York. » D’ailleurs, ce n’est pas New York qu’il quitte, c’est l’Amérique. « Quand on pense à New York, on pense à la ville avant de penser au pays où elle se situe. Et quand on est là-bas, on peut avoir le sentiment que c’est un pays en soi. Mais elle est soumise aux mêmes lois fédérales et au même grand n’importe quoi de l’Amérique. » Une Amérique sur laquelle il porte un regard sans illusion, alors que le pays continue de s’enliser dans ses contradictions et n’a pas fini de subir les ravages du trumpisme. « C’est quelque chose d’assez difficile à comprendre vu de France : pourquoi y a-t-il autant de flingues, pourquoi les gens ne peuvent-ils pas avoir accès à un système de santé décent ? Et la réponse est la même : parce que plus encore qu’en France, nous avons un gouvernement qui est à la solde de multinationales qui font du profit sur les armes et sur la santé des gens ; pourquoi s’arrêteraient-elles ? Ils viennent d’enlever aux femmes leur droit à choisir (IVG) ; je n’arrive pas à croire que ça ait pu arriver en 2022. Et même si Trump n’est plus président, nous vivons toujours sous l’ère Trump. Il a initié un mouvement qui fait tache d’huile et a donné confiance à la droite qui suit son exemple partout sur la planète. »
French connexions
S’il part sur les routes pour la tournée « Several Songs About Fire », il a décidé de s’installer en France, sans naïveté ni idéaliser, et « même s’il y a des punaises de lit, Il y avait le même problème à New York quand j’y ai emménagé en 2009 : c’était pire que de dire aujourd’hui qu’on a contracté le covid ! Un fléau un peu “vintage”, je suppose... La France a ses problèmes aussi, je n’en fais pas un paradis. Mais je m’y plais bien, et c’est ici que j’ai le plus d’amis. » Des amis, il en a quelques-uns également outre-Manche où il a enregistré « Several Songs About Fire », produit par John Parish (PJ Harvey, Dry Cleaning...), avec le concours de Jack Cooper (ex-Ultimate Painting) qui déjà l’épaulait il y a six ans pour « Thawing Dawn » sa première escapade solo, ou encore la Galloise Cate Le Bon. « Ce sont des musiciens qui amènent une personnalité forte, et je savais qu’ils insuffleraient beaucoup d’eux-mêmes. Je joue de plusieurs instruments, guitare, basse, clavier, mais je voulais avoir le son d’un groupe dans une même pièce et qu’on puisse entendre l’espace entre eux. Et John Parish est très doué pour ça. » S’il montre en solo une autre facette de son songwriting, la différence se joue aussi dans le processus de création. « Parquet Courts est un vrai groupe, quatre personnes qui prennent ensemble les décisions. Quand il s’agit de ma musique, et que ça vient de moi uniquement, ça va plus vite, c’est plus direct. Parce qu’un groupe a parfois sa “bureaucratie” interne. Donc naturellement, ça sonne différemment. Bien sûr, il y a des similarités, c’est moi, ma voix, mais je crois que c’est assez différent pour constituer deux projets distincts. Et c’est parfois un vrai soulagement de ne pas avoir à “négocier” sur le plan créatif... Mais c’est aussi ce qui fait qu’un groupe a quelque chose de spécial, cette collaboration entre plusieurs egos sous une même proposition artistique. C’est d’ailleurs pour ça probablement que c’est plus intéressant, il me semble. »
« C’est une Gibson LG-0 de 1968, très agréable à jouer, aussi bien aux doigts qu’en strumming avec un médiator, et elle sonne superbement bien, avec une belle clarté, le genre de guitare dont il sort une chanson à chaque fois que tu l’attrapes. Elle a vraiment un truc magique... Elle est parfaite pour les concerts par rapport à une dreadnought que je trouve un peu grosse et inconfortable pour moi. En électrique, j’adore les Fender Lead II (produites aux USA entre 1979 et 1982, ndlr), des guitares sous-estimées. Et j’ai toujours mon ampli Music Man Sixty-Five, un dérivé du Fender Twin. Mais si les Twin peuvent parfois être un peu trop criards, le Music Man est un peu plus chaud et sature un peu plus facilement. Sans doute parce que le préamp est à transistors... »