Avec « Gore », les Deftones plongent une nouvelle fois l'auditeur dans une autre dimension sonore. Un véritable voyage sensoriel où les riffs de guitare metal croisent le fer avec des ambiances éthérées et où les extrêmes semblent plus marqués qu'à l'accoutumée. Un 8ième album riche en émotions que nous allons tenter de décrypter avec Sergio Vega, le bassiste du groupe. Propos recueillis par Olivier Ducruix - Photo : © Frank Maddocks
Sergio Vega (basse) : On a l’impression que le processus de composition des Deftones est toujours plus ou moins basé sur la même façon d’opérer : jouer sans vraiment réfléchir pour peu à peu ne garder que l’essentiel. Avez-vous opéré ainsi pour « Gore » ? Tout à fait. Nous avons beaucoup jammé… En fait, lorsque nous avons commencé à travailler sur ce nouvel album, nous nous sommes juste dit : « Faisons du bruit et voyons ce qu’il en résulte. » Si pendant une session de jam l’un d’entre nous commence à développer une idée, alors les autres vont essayer de le suivre et de faire progresser cette même idée. J’aime cette manière de faire car on reste plus actif ainsi, plus attentif aussi à ce que font les autres. Et au final, nous avions des tonnes d’idées en stock.
Des tonnes d’idées, c’est très bien pour faire le tri et ne garder que les meilleures. Mais cela peut vite devenir un sacré casse-tête, non ? Effectivement, mais ce tri s’est fait naturellement. En fait, tu ne sais jamais vraiment pourquoi tu développes plus une idée qu’une autre… C’est comme ça, cela fait partie du processus.
Finalement, pour un groupe comme les Deftones, le plus dur n’est pas de dénicher de nouvelles idées, mais plutôt de trouver des compromis quand les morceaux sont bien avancés… Et bien, je ne pense pas que cela soit forcément plus difficile… (Il hésite un instant. Ndr) Si l’un d’entre nous n’est pas super emballé par une idée, nous n’allons pas forcément insister ou essayer de le convaincre à tout prix. On préfère passer à autre chose. Tu sais, il y a beaucoup de confiance et de respect entre nous et cela nous aide beaucoup dans notre mode de fonctionnement.
Dans « Gore », on a l’impression que les extrêmes sont plus marqués que d’habitude, qu’il y a certes des mélodies bien définies, mais également beaucoup de riffs très lourds et tranchants. Partages-tu cette impression ? Oui, je suis totalement d’accord ! C’est intéressant parce que ce n’était pas spécialement une volonté au départ. Là aussi, cela s’est fait naturellement, à force de chercher des nouveaux sons tout en essayant de ne surtout pas se répéter. Il y a quelques morceaux avec des arrangements plus electro qui se marient très bien dans un même disque avec des titres beaucoup plus heavy.
Jerry Cantrell d’Alice In Chains pose un solo sur le titre Phantom Bride. Comment avez-vous eu l’idée de faire appel à ses services ? C’est un morceau qui a rapidement fait l’unanimité au sein du groupe, mais il manquait un petit quelque chose. Je ne sais plus trop comment l’idée est venue sur le tapis, mais l’un d’entre nous a dit : « Et si on envoyait un mail à Jerry Cantrell pour qu’il vienne jouer sur Phantom Bride ? » Autant te dire qu’à partir ce moment-là, tout le monde était super excité que l’idée puisse se faire (rires) ! Nous ne savions pas comment cela allait sonner et au final, c’est vraiment génial. Jerry est un musicien qui fonctionne à l’instinct, au feeling. Il a passé 2 jours avec nous, le premier pour s’imprégner de la chanson, le second pour faire ses prises.
À titre personnel, « Gore » est ton troisième album avec les Deftones. Qu’est-ce qui a réellement changé concernant ton implication dans le processus de composition ? Depuis mon arrivée, les autres membres du groupe ont toujours fait preuve d’une grande ouverture d’esprit pour ce qui est de mon implication dans l’écriture des morceaux. Mais ce qui a réellement changé, en ce qui me concerne, pour cet album, c’est que je me suis mis à utiliser de plus en plus une Fender VI. Cela a changé mon approche de la composition, mais aussi apporté plus d’échanges entre nous. On essayait de trouver des sons différents avec cette façon de faire, en s’échangeant par exemple du matériel entre nous. C’est ça que j’aime avec le groupe, cet échange permanent.
N’est-ce pas trop dur, lorsque tu es sur scène, de passer de la Jaguar à la Fender VI ? Sincèrement, non. Bon, c’est un instrument complètement différent de la basse, mais j’ai toujours joué beaucoup de guitare, ce qui doit sans doute m’aider. J’ai l’impression de m’exprimer encore plus avec ce type de guitare. Je peux jouer très haut sur le manche et revenir à une ligne de basse et tout ça dans un même morceau. J’en avais acheté une lors de l’enregistrement de « Koi No Yokan », notre précédent album, mais c’est réellement pour « Gore » que je me suis vraiment familiarisé avec cette guitare. Quand tu composes avec cet instrument, tu as un choix vraiment important de fréquences… et donc, beaucoup plus de liberté pour créer. Et cette liberté de création, j’ai l’impression qu’on la retrouve aussi dans « Gore ».
Zoom matos (Sergio Vega)