On a longtemps considéré les nanas comme de simples faire-valoir si possible sexy lorsqu’elles décidaient de jouer dans un groupe. L’histoire de la musique amplifiée a prouvé qu’il ne fallait pas s’arrêter à ce cliché rétrograde. Les filles et la basse, c’est une vieille histoire d’amour ayant contribué à faire tomber bien des barrières.
Pas toujours facile d’être bassiste, discret pilier rythmique d’une formation dont le guitariste ou le chanteur sont souvent les centres d’intérêts. «À quoi sert ce musicien ? On n’entend pas franchement ce qu’il joue de manière distincte ». Imaginez la difficulté supplémentaire que représentait le fait d’être une fille dans le rock ou la pop il y a encore quelques années. « Ah ouais, c’est parce que c’est l’instrument le plus facile à maîtriser. En fait, on se fout un peu de ce qu’elle peut jouer à partir du moment où elle est mignonne ». Le genre de réflexion qui a pu fâcher certains bassistes dont on minimisait le rôle et des filles que l’on trouvait peu aptes à jouer de quoi que ce soit. Et pourtant, non content de pouvoir vous aligner une sacrée liste de redoutables musiciennes ayant fait leurs preuves une basse entre les mains, on se souvient surtout que les filles ont lutté avec panache pour s’imposer à n’importe quel poste.
Oh, les filles !
On ne sait pas vraiment qui fut la première femme à s’imposer dans la musique. Passons sur les cantatrices et autres joueuses de clavecin d’antan pour débouler directement au siècle dernier. Au cours des années vingt, Bessie Smith que l’on surnommera par la suite l’Impératrice du Blues enregistre plus de 200 chansons. Une référence sans égal. Suivront de nombreuses voix comme Billie Holiday ou Nina Simone. On avance jusqu’à la fin des années soixante. Janis Joplin fout sa claque à tout le monde et incarne au passage tout ce qui se fait de plus rock’n’roll à l’époque. Quelques années plus tard, les Runaways déboulent avec un groupe 100% féminin. Et hop, une bassiste au passage. Elle s’appelle Jackie Fox. Vickie Blue puis Laurie McAllister prendront le relais. La donne change à la fin des seventies. Le punk déboule. On brise les règles. Chacun peut prendre un instrument et se lancer à l’arrache avant de progresser. Les groupes de filles se forment par paquets de douze. Mieux, on commence à plus souvent voir des groupes mixtes dans lesquels la nana n’est pas obligatoirement chanteuse. Le rock indé et la pop imposent des bassistes avant de nombreux autres courants musicaux. En France, tout le monde trouve normal de retrouver une fille à la basse dans le groupe Téléphone et ne se pose aucune question, preuve que l’on a fait du chemin. Retour au 21ème siècle. Des guitaristes, des batteuses, des bassistes et d’autres artistes ont subjugué les foules par leur talent, réussi à se faire connaître après des années de tournées ou utilisé le web qui leur a permis de communiquer plus facilement. Attention, ces dernières n’ont pas besoin de poser en bikini pour retenir l’attention. C’est une toute autre forme de classe.
PAZ LENCHANTIN
La sublime musicienne née en Argentine débarque aux States à l’âge de quatre ans. Après s’être frottée au piano dès ses cinq ans puis au violon à huit, elle apprend la guitare toute seule comme une grande alors qu’elle à peine soufflé ses douze bougies. Mais c’est son travail avec A Perfect Circle qui lui permet d’entrer dans la lumière. Elle quitte le groupe après le premier album pour jouer avec Billy Corgan dans Zwan. L’aventure tourne court. Paz a depuis collaboré avec un grand nombres d’artistes dont de nombreux fans de son jeu de violon. Les cordes sur « Songs for the Deaf » des Queens of the Stone Age, c’est elle. Signe ultime de reconnaissance dans le milieu, Paz possède une basse modèle à son nom chez le luthier américain Luna : la Paz Lenchantin Signature Bass. C’est quand même rare d’avoir droit à un modèle de ce type portant la griffe d’une musicienne.
À écouter : A Perfect Circle, « Mer de Noms » (2000)
MELISSA AUF DER MAUR
La flamboyante rouquine s’est fait connaître en tenant la basse au sein de Hole avant de rejoindre les Smashing Pumpkins, suite au départ de D'Arcy Wretzky. On a depuis pu l’apprécier avec son projet solo. Melissa a aussi joué pour Rufus Wainwright, enregistré un single avec Indochine et effectué des chœurs pour Fountains of Wayne. « Je me suis tournée vers la basse après avoir entendu le son de Kyuss et des Smashing sans savoir à l’époque qu’une femme jouait avec ces derniers ». Plutôt portée sur le jeu au médiator, elle est fidèle au modèle Precision de Fender et utilise un chorus et un flanger TC Electronics, une disto Tech21 SansAmp ainsi que des amplis Ampeg SVT.
À écouter : Melissa Auf der Maur, « Out of Our Minds » (2010)
ESPERANZA SPALDING
Une artiste complète qui a mis les jazzeux à genoux. Elle fut la plus jeune prof de la Berklee College of Music (à vingt ans à peine), a enregistré des albums avec Stanley Clarke et Mike Stern et s’est surtout illustrée en tant que Contrebassiste-chanteuse en solo. On ne compte plus les éloges dans la presse ni les réactions enflammées d’un public nourrissant pour cette artiste une passion sans bornes. Bien que s’étant récemment lancée dans la découverte de la basse électrique, elle reste avant tout une référence pour de nombreux contrebassistes. « J’utilise la basse électrique de temps à autre sur scène sans me poser de question. Je n’essaie pas de suivre de méthode ou de l’apprendre de manière conventionnelle. J’y vais à l’instinct ». Vu les facilités de la donzelle, on sait déjà que ça va sonner. Esperanza a remporté le Grammy Award de la révélation de l’année en 2011, ruinant les espoirs de Justin Bieber et en signant un exploit notable : offrir au jazz une récompense que ce courant n’avait pas obtenue depuis 35 ans.
À écouter : Esperanza Spalding, « Chamber Music Society » (2010)
GAIL ANN DORSEY
Les fans de David Bowie connaissent très bien la silhouette de celle qu’ils peuvent apercevoir sur scène depuis 1995 aux côtés de l’éternel dandy. Gail Ann Dorsey s’est d’abord fait connaître en devenant une bassiste de studio appréciée par de nombreux artistes. Elle a bossé avec Tears For Fears, Charlie Watts, The B-52s et Bryan Ferry. On l’a aussi vue accompagner Gwen Stefani sur les routes. Mais c’est définitivement Bowie qui l’a révélée au grand public en l’engageant dans le cadre de la tournée « Outside ». « J’ai tellement flippé et été impressionnée par cet incroyable artiste que j’ai mis deux ans à lui demander pourquoi il m’avait choisie ». Gail a souvent été aperçue avec des Music Man entre les mains et une tête Ampeg SVT.
À écouter : David Bowie, « Earthling » (1997)
TAL WILKENFELD
Voilà encore une jeune pousse qui a rabattu des milliers de clapets et gagné le respect des anciens en un temps record. L’Australienne née à Sidney en 1986 gagne les États-Unis l’année de ses seize ans. Déjà joueuse de guitare électrique, elle se lance dans la basse un an plus tard. A dix huit ans, elle est déjà endorsée et écume les clubs de jazz de la Big Apple avant d’être engagée par Chick Corea à qui elle a fait suivre son premier album solo en 2007. Depuis ce départ sur les chapeaux de roues, on a pu apercevoir Tal aux côtés de Jeff Beck, Herbie Hancock, Warren Haynes… quand elle ne se déplace pas avec son propre groupe. La jeune femme joue sur des basses Sadowsky (marque avec qui elle collabore depuis son arrivée à New York) et des amplis EBS.
À écouter : Jeff Beck, « Live at Ronnie Scott's » (2008)
DIVINITY ROXX
Découverte aux côtés de Victor Wooten, la miss Roxx a surtout été remarquée depuis qu’elle a accompagné Beyoncé sur scène au sein d’un groupe 100% féminin. L’ancienne rappeuse devenue musicienne a fait ses preuves sur scène et récemment rejoint la Bootsy Collins’ Funk University où elle intervient de temps à autres au même titre que Les Claypool ou TM Stevens. On a pu la voir jouer sur TC Electronic (tête RH450 et enceintes RS210) ainsi que sur la ligne d’amplis Hellborg développée par Warwick. Comme Paz, elle a droit à son modèle Signature. Celui-ci vient de chez Warwick. « Il s’agit d’une Streamer cinq cordes avec une touche en érable et un corps en frêne. J’ai conservé mes micros M.E.C mais je pense de plus en plus à les remplacer. Nous travaillons encore dessus ».
À écouter : Victor Wooten, « Soul Circus » (1995)
KIM GORDON
À bientôt soixante ans, la bassiste de Sonic Youth reste une figure incontournable de la culture indé sous toutes ses formes (musique, ciné, arts plastiques…). Après une enfance et une adolescence passées sous le soleil de Californie, Kim débarque à New York en 1980. Elle y montera le groupe Sonic Youth un an plus tard en compagnie de Thurston Moore, son futur mari. Si son jeu de basse n’a rien de vraiment extraordinaire, c’est à la fois sa personnalité et le travail effectué par Sonic Youth en tant que groupe qui permettra de marquer les esprits. Noisy, expérimentale, la musique du combo a posé les bases pour bien des formations fans de larsens et de dissonances électriques. Kim possède plusieurs Fender (Jazz Bass, Precision, Musicmaster et Mustang), de nombreuses Gibson de type EB, des Thunderbird, ainsi que quelques autres spécimens plus rares. Elle a très longtemps joué sur Mesa Boogie avant de passer sur Peavey puis de récemment osciller entre un Fender Bassman et un Ampeg SVT. Parmi ses nombreux effets, on peut retrouver une pédale Deluxe Memory Man de chez Electro-Harmonix, une Boss PH-2 Super Phaser et un delay analogique AD9 Ibanez.
À écouter : Sonic Youth, « Dirty » (1992)
TAMAKI KUNISHI Elle est la bassiste de ce que l’on peut considérer comme étant le meilleur groupe de post rock japonais en activité. Tamaki Kunishi est souvent debout, au milieu de la scène, encadrée par ses deux compères guitaristes assis chacun sur leur siège la plupart du temps. Les yeux fermés, elle semble en transe à chaque concert, dansant sur place en même temps qu’elle balance ses lignes de basse. Elle profite aussi de certaines compositions pour passer au piano, à la guitare ou au glockenspiel. Elle joue presque tout le temps sur une Gibson EB-3 à laquelle sont reliées quelques pédales Boss et Tech 21 effects, le tout branché dans une tête Ampeg SVT connectée à des enceintes Sunn ou Ampeg.
À écouter : Mono, « You are There » (2006)
KIRA ROESSLER
Voilà une fille qui a joué dans un groupe de tatoués avec la conviction d’une véritable hardcoreuse. La jeune Kira est alors membre de DC3, basé à Los Angeles quand les New Yorkais de Black Flag lui proposent de rejoindre le groupe en 1983. Elle enregistrera une flopée de disques en compagnie de la bande emmenée par Henry Rollins jusqu’en 1985. Une vraie pionnière du punk-hardcore et un exemple pour de nombreuses rockeuses à la recherche de l’exemple à suivre. Longtemps aperçue avec une Rickenbacker, elle passe sur une Custom Garz Bass avec son groupe Dos, monté en 1986, et utilise souvent un ampli Eden Traveler. Sa mythique basse bleue (y compris la touche), offerte par Mike Watt, lui a été dérobée il y a peu au cours d’un cambriolage. Si vous voyez ce modèle en vente d’occasion sur le web, prévenez Kira.
À écouter : Black Flag, « In My Head » (1985)
JO BENCH
On ne pouvait pas passer à côté de celle qui fut la première fille à tenir la basse dans un groupe de death metal anglais reconnu et qui n’a jamais quitté son poste depuis sa prise de fonctions. Jo-Anne Bench tient la rythmique chez Bolt Thrower depuis 1987. Bientôt un quart de siècle au service de la musique extrême avec la même formation… Il fallait quand même le souligner. Jo utilise une Ironbird de BC Rich, une tête Peavey T-Max, une pédale de distorsion Ibanez Tube Screamer et deux enceintes Laney équipées de haut parleurs de quinze pouces.
À écouter : Bolt Thrower, « War Master » (1991)