On ne voit pas une Trussart tous les jours. Mais à chaque fois qu’on pose les doigts sur un instrument du plus américain des luthiers français, c’est toujours un régal.
Le corps de forme Les Paul, à table plate et dos perforé, est composé d’acier, laissé à rouiller collé contre une peau d’alligator, d’où les traces
« croco ». Le métal a été ensuite sablé puis stabilisé à l’aide d’une couche de vernis transparent, pour un résultat bien lisse
et satiné. Le manche en acajou, vissé, affiche 41,3 mm de largeur au sillet.
Si cela reste plus étroit que les 43 mm courants, on arrive à un plus classique
57 mm en bas de la touche palissandre. Cette dernière est au radius de 10”
(254 mm), plus rond que le 12” (304 mm) usuel chez Gibson. Elle est rehaussée d’un binding crème. Si le diapason de 630 mm (24”3/4) est identique à celui de la marque de référence, ce sont ici 24 cases que délimitent les frettes medium jumbo.
Le pickguard, harmonisé avec l’ensemble, s’aère de stries horizontales révélant une grille métallique. Ce thème « garage » est cher à James Trussart, qui l’a d’ailleurs repris sous la découpe de son nom dans la plaque, assortie au corps et sertie dans la tête. Le renfort d’une volute limitera les risques de casse à ce niveau. Les mécaniques à bain d’huile, de fabrication Gotoh, reçoivent des boutons « Kluson » métalliques vieillis. Sous les capots de nickel, eux aussi artistiquement ternis, sont tapis une paire de humbuckers Arcane Inc à aimants barres, spécialement réalisés par Rob Timmons qui s’est inspiré de PAFs, vraiment pas au pif. Un duo chevalet Tune-O-Matic et cordier Stopbar TonePros, verrouillés et bien rouillés, viennent compléter l’ensemble.
Acier bien trempé Malgré l’acier, on reste à 4 kg. Si l’engin résonne comme un jerrycan quand
on branche le jack, les sons clairs sont loin d’être métalliques, au contraire. En effet, il n’y a pas que la rouille qui a de belles colorations, et l’on sonne alors quelque part entre solid et hollow body. On apprécie les aigus bien flûtés, avec un caractère acoustique en accords, et les graves ronds et dynamiques. En enclenchant un Overdrive, on déguste bien chaud un blues fumant, propulsé par un sustain qui pousse comme un moteur de Harley. À nous le slooooooooooow blues, avec des nooooooooooootes bien tennuuuuuues, le texas blues chauffé au rouge, le blues avec un grand B et le rock qui décoiffe. Et ça roule ! Avec une bonne distorsion, riffs et rythmiques sonnent bien hard
et heavy metal (rouillé) sans aller au
son moderne, c’est bien plus chaud
que ça. Brûlant ! On se positionne alors quelque part entre la Les Paul et la SG
et l’on enchaîne aisément des solos et phrasés, qui passent dans le mix en laissant leurs traces comme un couteau à dents dans du beurre frais. Tous les effets bénéficient de la longue tenue des notes et il serait dommage de s’en tenir au (paquet de) legato, même avec ce contenant métallique ! Bends et vibrés d’une belle constance permettent d’aérer le jeu et hammers, pull-offs tapping, et autres effets (bien frappés) coulent de source. Les harmoniques provoqués grimpent en flèche en restant très agréables. Le top ! Avec un aspect « destroy » combiné à une finition de haut niveau, cette Trussart offre des sonorités et des sensations d’exception... pour un certain prix. Elle possède des humbuckers qui méritent, eux aussi, d’entrer dans la légende. Si elle a été conçue pour faire penser à un objet longtemps abandonné, impossible de l’oublier dans un coin. Quel steel ! Jean-Louis Harche - Photos : © Thomas Baltes
Caractéristiques
Corps plein ou ajouré ? Corps fermé, semi ou totalement ajouré ? Voilà une question à se poser si l'on souhaite acquérir une James Trussart. En écoute comparative de plusieurs guitares avec Florent Passamonti, nous avions préféré table pleine et dos ajouré. Mais chacun ses goûts et son style. Votre choix effectué (et vos économies prêtes !), vous pourrez faire partie du « club » Trussart avec Billy Gibbons, inventeur de l’appellation Rust-O-Matic, Keith Richards, Eric Clapton, Tom Morello, James Hetfield, Jack White, ou encore Bob Dylan... Bref, que du beau monde.
Photo : © C. Mellini
Jean-Louis Horvilleur est depuis 10 ans, Jean-Louis Harche, testeur matos chez Guitar Part au goût immodéré pour les grosses pelles metal, ce qu’il cumule avec le rôle d’audioprothésiste , de président du Conseil Scientifique de Bruitparif (l’organisme de surveillance du bruit en Ile de France), d’administrateur et de membre du Bureau de La Semaine du Son. Il enseigne le risque auditif et est membre du groupe Santé du Conseil National du Bruit.