Tout a été dit ou presque sur cet album si dense, un des plus attendus de l'année. Mais à l'heure des réseaux sociaux et des forums en cascade, qui entraîne parfois une écoute souvent beaucoup trop rapide, alors que ce monstre se doit d'être patiemment digéré, il est difficile d'échapper à certains écrits, passionnés comme virulents et rapidement mis en ligne. Surtout que le groupe n'a rien fait pour s'épargner les commentaires acerbes. Entre une version coffret CD à 80 balles et une autre purement numérique dématérialisée, pas d'autre offre pour le moment, ce qui eut tendance à échauffer certains esprits. Ajoutez à ça l'attente (13 ans séparent les deux derniers efforts du groupe) qui en aura irrité plus d'un, et vous obtenez un cocktail explosif clef en main, sans même avoir à écouter le son. Dommage pour ceux qui se sont arrêtés à ces quelques considérations superficielles. Car « Fear Inoculum » est à la fois un album qui invite à la découverte, autant qu'un disque qui permet au fan de conserver ses repères. Moins sombre dans son propos, il laisse plus de temps aux notes pour respirer, sans rien perdre de ce côté fourni en informations. S'éloignant du côté alternatif des débuts, ou plus métalliques d'il y a une quinzaine d'années, la musique de Tool s'ancre encore plus dans le progressif (en dehors d'un interlude, toutes les chansons dépassent les 10 minutes), pour poursuivre une évolution logique entamée il y a plus de deux décennies avec des chansons comme Flood et Bottom sur « Undertow », ou Pushit et Third Eye sur « Ænima ». À travers « Fear Inoculum », le groupe livre de sublimes mélodies (Pneuma), et des morceaux plus hargneux (7empest) sur lesquels plane l'incroyable voix de son chanteur Maynard James Keenan. Avec un son qui rend hommage à chaque instrument, aucun musicien n'étant relégué au second plan, ce nouvel album possède un côté terriblement homogène, qui pourtant n'empêche jamais les compositions de partir loin et haut. C'est là toute la force d'un groupe à l'identité forte. Alors oui, certains passages évoquent terriblement ceux entendus sur d'anciens morceaux du groupe. Et alors ? Va-t-on reprocher à AC/DC de faire du AC/DC ou à Motörhead d'avoir fait du Motörhead pendant toute sa carrière ? Tool est unique. Son nouvel album l'est tout autant, et il valait bien la peine qu'on patiente. Guillaume Ley