Si Sub Pop continue encore de dénicher de nouveaux talents, voilà bien longtemps que le mythique label américain ne nous avait pas proposé un groupe à très haute teneur en décibels tel que Metz. Après un premier album plus que bien accueilli, le trio canadien livre un second opus bouillonnant de riffs et de saturation. Chris Slorach, le bassiste, nous en dit plus sur une formation à surveiller de très près. Propos recueillis par Olivier Ducruix - Photo : Olivier Ducruix
Pour ceux et celles qui ne connaissent pas Metz, peux-tu nous en dire plus sur la genèse du groupe ? Je connaissais Hayden Menzies, le batteur, via un ami commun. À cette époque, je jouais un peu, mais rien de vraiment sérieux. Je ne savais même pas si un jour j’allais rejoindre un groupe vraiment stable, je ne me posais pas cette question. Un jour, Hayden et moi, nous discutions comme ça, juste en buvant un coup, et il m’a dit que le bassiste de son groupe ne pouvait plus continuer l’aventure avec eux. Je lui ai alors avoué que je jouais un peu de basse… Il m’a proposé de passer à une répétition et voilà, c’est une histoire très simple. Cela doit faire 8 ans que l’on joue ensemble et 5 de manière plus sérieuse.
Quand Metz a débuté, quel était le but du groupe ? Franchement, nous n’avions aucun but en tête. Nous étions trois amis qui commencions à faire de la musique ensemble pour s’amuser, boire des bières et faire un peu de bruit. Notre seul but de départ était d’avoir assez de chansons pour pouvoir faire des concerts. Et puis nous avons eu quelques fans dans notre ville, nous pouvions enfin boire gratuitement des bières (rires) ! Nous n’avons jamais essayé de tirer des plans sur la comète. Nous voulions juste avancer, sans plan de carrière : enregistrer un 45T, le vendre assez bien pour pouvoir en sortir un autre et ensuite réaliser un album avec l’espoir qu’il intéresse un label pour qu’il soit distribué. Et nous avons signé avec Sub Pop. On pourrait considérer cette signature comme le but ultime, car ce label représente quelque chose d’important dans ma vie, mais rien n’était calculé à l’avance.
Quand vous avez signé avec Sub Pop, avez-vous réalisé que cela devenait un peu plus sérieux ? Nous étions heureux d’avoir trouvé ce contrat avec Sub Pop, mais nous ne savions pas à l’avance si les gens du label aimeraient assez notre musique pour bien la travailler… J’étais fier de cette signature car Sub Pop a toujours été un label important. À 13 ans, j’ai emprunté la carte de crédit de mon père, sans qu’il le sache, pour m’acheter par correspondance des disques chez Sub Pop et, lorsque j’ai su qu’ils arrivaient chez moi, j’ai vite quitté l’école pour être sûr d’être là avant mon père quand le postier les livrerait !
Avant de rejoindre Metz, comment as-tu découvert la basse ? Quand j’étais très jeune, il y avait plein de guitares à la maison. Mon père était bassiste, mais il aimait collectionner toutes sortes de guitares. J’ai d’abord joué de la guitare en apprenant quelques accords pour me débrouiller un minimum. Vers l’âge de 17 ans, j’ai rejoint un groupe où je devais tenir la basse. Vu que j’étais guitariste, je pensais vraiment que de jouer de cet instrument n’allait pas me poser trop de problèmes. Pendant les deux ans où j’ai joué dans cette formation, je me suis rendu compte que la basse était un instrument totalement différent d’une 6-cordes et que je devais être plus proche du jeu du batteur. Même si j’aime encore jouer de la guitare, la basse est devenu alors mon instrument principal et je ne le regrette pas du tout.
Depuis la sortie de votre premier album, bon nombre de personnes vous collent l’étiquette « rock indé des années 90 » en vous comparant parfois à Jesus Lizard. Es-tu d’accord avec ce rapprochement ? Je suis fan de ce groupe et je peux comprendre cette comparaison. Nous avons grandi avec ce genre de musique, il est donc assez logique de retrouver des influences de cette période dans notre musique. Mais notre style sonne quand même moderne et il ne peut pas se résumer uniquement aux années 90. Tout n’a pas été bon dans cette période ! Je sais qu’il est difficile de dire que nous sonnons comme aucun autre groupe qui existe déjà. Nous essayons avant tout d’être honnêtes en composant des chansons qui nous ressemblent, les meilleures possibles, sans chercher à copier qui que ce soit.
Comment aimerais-tu décrire les principales différences entre le nouvel album et le précédent ? Nous avons passé beaucoup de temps à jouer en live les chansons de notre premier album, alors que pour le nouveau, nous nous sommes réellement concentrés sur l’écriture des titres puis sur leur enregistrement. Entre les deux disques, c’était un peu comme si nous devions remplir une page blanche. Nous nous sentions libres de faire ce que nous voulions. Et au final, nous avons composé les morceaux du nouvel album en 6 mois, alors que pour le premier, cela nous avait pris 3 ans. Je suis vraiment fier du résultat et je pourrais bien sûr dire que ce disque est sûrement meilleur que le premier, même si je sais que cela n’est pas très original (rires) ! C’est bien sûr une étape de plus pour nous, mais bon, si tu écoutes les deux disques à la suite, tu sais de suite que c’est le même groupe.
Vos concerts sont réputés pour être intenses et sans concession. Est-ce un challenge difficile à relever que de tenter de capturer cette énergie brute sur disque ? Nous essayons toujours de séparer l’exercice du live de celui du studio. Pour être sincère, nous n’enregistrons jamais tous ensemble en live dans une même pièce en jouant en boucle tous les morceaux. Chacun joue sa partie séparément, ce qui ne veut pas dire que nous ne faisons pas attention à l’intensité. Notre musique est basée sur l’énergie, c’est donc important de la retrouver sur nos disques.
Tu as cinq Gibson RD Artist. Serais-tu un collectionneur qui s’ignore ? Effectivement, je dois en être un… Mais je n’ai pas l’argent pour pouvoir suivre les prix du marché. En fait, je deviens collectionneur quand je trouve la bonne affaire. Récemment, un gars de Salt Lake City en vendait une pour 1200 dollars. L’instrument était dans un état exceptionnel, comme s’il n’avait jamais été joué, et en plus livré avec son étui d’origine. Comment pouvais-je dire non à cette offre ? Par contre, j’ai refusé une RD que Music Chicago Exchange me proposait pour 2500 dollars.
Tu te vois jouer sur d’autres basses que la RD Artist ? Oui, j’aimerais beaucoup avoir une bonne vieille Rickenbacker 4001 ou alors une Dan Armstrong, mais ces dernières sont devenues très chères. Nous avons tourné avec Death From Above 1979 et j’ai essayé celle de Jesse Keeler car il a une configuration assez incroyable question son et fréquences. J’ai bien aimé, mais j’étais un peu perdu vu que le diapason d’une Dan Armstrong est très court ! J’ai aussi une vieille Fender que mon père m’a donné à laquelle je tiens beaucoup.
Zoom matos « Je joue sur une Gibson RD Artist de la fin des années 70. J’en ai actuellement cinq. Gibson a travaillé en étroite collaboration avec Bob Moog (l’un des grands pionniers des synthétiseurs et des pédales d’effets. Ndr) pour finaliser ce modèle très particulier. La RD est équipée d’un préampli avec un système électronique assez imposant, un manche très grand et des cordes qui peuvent être traversantes ou pas. J’ai choisi la première option et, quand les cordes sont neuves, avec les micros de la RD, j’ai juste un son de fou. Mais c’est sans doute la basse la plus lourde que j’ai pu avoir dans toute ma vie ! Je crois que Gibson a produit la RD Artist pendant deux ou trois ans. C’est pour ça que les gens de Music Chicago Exchange (l’un des plus importants magasins de vintage aux États-Unis. Ndr) me contactent dès qu’ils en ont une qui arrive pour me la proposer. À chaque fois, je suis tenté de dire oui (rires) ! Mais ces basses sont de plus en plus rare et sont donc de plus en plus chères. »