Après trois décennies d’activité, Sleeppers, formation culte de Bordeaux dans laquelle sévissait la fratrie Girard (Laul au chant et à la basse, Fred derrière les fûts), s’est séparé en 2019. « Il n’y a pas de regrets, mais plutôt de la frustration car nous devions enregistrer un nouvel album », explique Laul. « Le bilan reste positif : le groupe a fêté ses 30 ans juste avant la séparation, après une carrière assez prolifique en termes de concerts et d’enregistrements. J’espère que nous avons pu apporter une pierre à l’édifice du rock français ! » Cinq ans après, les deux frères remettent le couvert, aidés par une paire de guitaristes (David Passicos de Es Lo Que Hay, suivi par Antoine Leroux de The Twin Stoners et Pussy Miel). Si on retrouve une base musicale chère à Sleeppers (un mélange de post-hardcore des 90s, de noise rock et de gros riffs), Kyle se veut plus fluctuant quant au style proposé. « La section rythmique est la même que celle de Sleeppers, il y a donc une certaine suite logique. Mais ce projet est bien plus un nouveau chapitre pour nous, de par la liberté et l’ouverture musicale que nous nous accordons. Nous n’avons pas réfléchi à un style particulier, les morceaux arrivent assez intuitivement au début, puis nous les retravaillons jusqu'à ce que le résultat nous plaise vraiment », explique le frontman. « La plus grande difficulté pour moi était de proposer des lignes de chant qui me tenaient à cœur. Je ne me suis rien interdit et je pense que le mélange des styles vient surtout de ces propositions-là. » Il reste quand même cet indéniable petit côté années 90, qui fait assurément le pont entre les deux projets, quelque part entre Quicksand, Death From Above 1979, Fugazi et Pelican. Logique vu l’expérience engrangée par la paire basse/batterie au fil du temps. « Trente ans de musique indé, notamment durant cette période, cela marque à vie. À cette époque, les groupes s’entraidaient, peu importait le style : l’effervescence autour du rock en général était incroyable. Le fait que l’album sonne un peu 90s est peut-être dû aussi à mon son de basse, qui n’a pas trop évolué depuis 1996 ! » Magistralement produit par Fred Norguet (Lofofora, Burning Heads, Seven Hate, Sleeppers…), « Seize The Light » abrite neuf titres impeccables, dont le visuel est tout aussi réussi et loin d’être anecdotique. « Tout comme Fred, Emmanuel Billet, qui s’est occupé du graphisme de la pochette, fait partie de la famille. Il a su résumer ce que la musique et les paroles de l’album représentent pour nous. Les textes que j’ai écrits, puis retravaillés avec Forest Pooky, parlent de sujets qui me touchent depuis plusieurs années. Le monde qui se dégrade, les rapports humains de plus en plus compliqués, font penser à un état proche de l’apocalypse. Mais étant d’une nature très optimiste, je préfère saisir la lumière dans toutes choses et croire encore en l’humanité. » Kyle, le meilleur remède au pessimisme ambiant ? On a envie d’y croire...
« Seize The Light » en écoute ici