Quand un spécialiste
de l'acoustique passe à l'électrique, le résultat est aussi surprenant que réussi. Propos recueillis par Jean-Louis Harche
Pour Régis Sala, tout a classiquement commencé par le travail du bois. « J’ai quitté le lycée à 18 ans pour me lancer dans la menuiserie et l’ébénisterie. À cette époque, je traînais souvent au magasin Guitare Village à Domont (95) et son propriétaire, Laurent Murelli, m’a orienté vers David Bembananga (qui officiait alors à David’s Custom Shop, avant de rejoindre l’équipe Vigier. Ndr). Il a accepté de m’accueillir en 2001, pour un stage de lutherie, et voilà, je suis installé, depuis une quinzaine d’années, à Saint Martin-du-Tertre, à 30 km de Paris, dans une zone de champs et de forêts. J’ai commencé
à fabriquer des guitares classiques avec 4 modèles, du conservatoire au grand concert. Je me suis créé une “griffe” sonore. Ça m’a pris 10 ans... J’utilise principalement un barrage « lattice » (ou barrage en treillis, conçu à l’origine par le luthier australien Greg Smallman. Ndr) en cèdre plaqué carbone. On n’a pas la même couleur de timbre que celui des classiques habituelles, mais plus de puissance et de sustain. Ce barrage doit être combiné à une table très fine. J’utilise de l’épicéa bien léger, débité sur quartier dans
des arbres poussant entre 1300 et 1 500 m d’altitude, ça lui donne un “son de cèdre”, plus rond que celui de l’épicéa standard. À côté de ça, j’ai un bon stock de bois, avec certaines pièces qui datent du XIXe siècle, ou encore des morceaux d’acajou qui proviennent de montants d’armoire des années 40-50. Ils sonnent comme des cloches quand on tapote dessus et feront d’excellents manches. Je ne voulais pas être enfermé dans le créneau « luthier classique », car j’adore le blues et le metal, j’ai donc aussi mis au point une gamme électrique (de la
Junior aux V, en passant par une Archtop. Ndr). Je vais réaliser 2 guitares custom, à décor steampunk, avec juste un micro et un volume, pour le groupe de metal Demande à la poussière. J’ai aussi récemment réalisé une Flying V électro-acoustique, comme celle qu’a faite Boris Dommenget pour Rudolf Schenker, une commande internet partie à Tokyo... C’était un projet compliqué, car avec cette forme, la table a une surface réduite et ça impose d’optimiser les basses. C’est fait. Unplugged, ça sonne comme une Parlor, avec une
très bonne projection, mais ça m’a coûté quelques nuits blanches ».
Régis a récemment créé un atelier pédagogique, appelé « Histoire de guitare », à l’occasion des journées du patrimoine, à l’abbaye de Royaumont (Val d’Oise). Il le destine actuellement à des scolaires de 8 à 12 ans, qui pourront ainsi se fabriquer un morceau de touche avec des repères et 4 ou 5 frettes. « Mon prochain projet est de proposer cet atelier d’initiation aux conservatoires et pourquoi pas à des adultes. »
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Photo : © C. Mellini
Jean-Louis Horvilleur est depuis plus de 10 ans, Jean-Louis Harche, testeur matos chez Guitar Part au goût immodéré pour les grosses pelles metal, ce qu’il cumule avec le rôle d’audioprothésiste , de président du Conseil Scientifique de Bruitparif (l’organisme de surveillance du bruit en Ile de France), d’administrateur et de membre du Bureau de La Semaine du Son. Il enseigne le risque auditif et est membre du groupe Santé du Conseil National du Bruit.