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LES GUITARES DU FUNK

Comme pour chaque grand courant musical, trouver la naissance du nom ou encore les véritables prémices du style n’est pas chose facile. Encore moins à dater précisément le véritable commencement. Selon l’historien d’art Robert Farris Thompson, le terme funky trouve ses racines dans le langage Kikongo (Angola, République Démocratique du Congo) avec le mot lu-funky qui signifie mauvaise odeur corporelle. Il n’y avait rien de péjoratif, bien au contraire. Ce mot ne faisait que l’éloge des personnes intègres dans leur art et qui avaient travaillé dur pour atteindre leurs objectifs, en d’autres termes, suer pour cela. Les jazzmen reprirent à leur compte ce mot, mais en le détournant de son sens premier pour lui donner un côté plus charnel, plus sensuel.
Sur un plan purement musical, le funk est un amalgame de plusieurs styles : soul, jazz, R&B, avec également des rythmes afro-cubains qui échouèrent à la Nouvelle-Orléans pour être reconstitués ensuite à la sauce locale. Les musiciens de la Nouvelle-Orléans, particulièrement ceux des Brass Bands, ont en effet joué un rôle important dans les prémices du funk. Certains historiens de la musique qui se sont penchés sur la question vont même jusqu’à dire que ces prémices commencèrent juste après la seconde guerre mondiale et que le hard bop n’est pas si étranger que cela à la naissance du funk. Il faut dire que ces deux styles privilégient avant toute autre chose la section rythmique guitare/basse/batterie, un véritable tapis roulant pour que et le chanteur et les autres instruments puissent s’exprimer jusqu’à plus soif. Et au milieu des années 60, le funk prend véritablement de l’ampleur, puisant ses références directement dans le rhythm & blues et la soul avec cette solide base rythmique qui caractérise ce genre de musical. On doit la mise en lumière de ce style à James Brown qui, en1965, sort un joli brelan de tubes : Out Of Sight, Papa’s Got A Brand New Bag et I Got You (I Feel Good). En pleine crise raciale outre-Atlantique avec les violentes émeutes de Watts, un quartier de Los Angeles, le funk de Brown se veut urbain et en phase avec la dure réalité que vit la communauté afro-américaine à cette époque. Pendant les cinq années suivantes, celui qu’on surnomma The Godfather of Soul, ne cesse d’affiner son style avec une approche très rythmique de ses parties chant, le titre Funky Drummer en étant un parfait exemple. L’un des musiciens qui l’accompagne, véritable pilier de ce funk en pleine gestation et machine à riffs, est Jimmy Nolen. La plupart du temps, Nolen utilise des Gibson, une ES-335 ou une Es-5 Switchmaster, voire même une Les Paul Recording. Mais il pouvait également opter pour une copie japonaise de Stratocaster, le tout branché dans un Fender Twin Reverb. Sa science du riff hypnothique et sa précision rythmique firent que Jimmy Nolen fut souvent considéré comme une référence incontournable dans le monde de la guitare, funk ou pas. Jusqu’en 70, il accompagne son boss, prend ensuite un peu de recul, pour revenir le soutenir à partir de 1972 et ce, jusqu’à ce qu’il décède en 1983. James Brown s’entoure de musiciens toujours triés sur le volet, pioche dans son backing band pour désigner celui qui fera office de chef d’orchestre, mais n’est pas du genre à avoir des états d’âme. Il instaure un système d’amendes pour les musiciens qui ne respectent pas les règles qu’il fixe et virent sur le champ ceux qui se plaignent de ne pas être assez payés. Ce fut le cas en 1970 et le chanteur ne fit pas dans la demi-mesure puisqu’il se passa des services du groupe qui l’accompagnait la veille d’un concert. Il dépêcha quelques sbires pour contacter les musiciens qui enregistraient pour le label King Records, The Pacemakers. Il les rebaptisa The JB’s pour les mettre sur scène sans se soucier s’ils pourraient ou non assurer de jouer tout un répertoire du jour au lendemain... Au sein des JB’s, deux instrumentistes se détachent du lot. Ce sont les frères Collins avec Bootsy à la basse et Catfish à la guitare (on les retrouvera tous les deux dans l’aventure Parliament et Funkadelic). C’est sur une Vox Ultrasonic que le guitariste de The JB’s balance ses rythmiques syncopées et diablement entrainantes avec un net penchant pour le effets en tout genre, et plus particulièrement le chorus et le Delay. Plus tard, notre homme, de son vrai prénom Phelps, opta pour une Fender Jazzmaster. Cette période, la fin des années 60, voit l’éclosion d’une multitude de formations estampillées funk. La Nouvelle-Orléans offre au public la chance de découvrir The Meters, une réunion de musiciens hors pair qui n’ont pas pour autant oublier l’essence même du groove, avec des morceaux bouillonnants d’idées. Le public afro-américain adhère très rapidement à ce courant musical, moins guindé que le R&B et moins sirupeux que la soul. En ces temps difficiles, où la ségrégation raciale est encore présente, la communauté noire a besoin de s’amuser, d’oublier un temps ses problèmes en dansant des heures durant sur de longs morceaux répétitifs, parfois à la limite de la transe. Le funk explose et les années 70 confirmeront que ce courant musical tient une place de choix dans l’industrie du disque.
L’âge d’or

Nile Rodgers

Nile Rodgers (Photo DR)


James Brown, continue de propager la bonne parole du funk et sur le territoire nord-américain et en dehors de ses frontières. Mais il n’est plus le seul dans sa catégorie. C’est indéniable, Brown a fait des émules. On retiendra Dyke And The Blazers, ou encore Charles Wright & The Watts 103rd Street Rhythm Band. Le nom de Tony Maiden ne vous dit sans doute rien. Pourtant, ce guitariste peu connu du grand public a marqué de son inventivité le tout début des années 60, jouant le plus souvent sur des Gibson (ES-175, ES- 345, Les Paul) ou sur une Fender Mustang. Mais le groupe qui retient le plus l’attention du public noir américain en ce début des seventies est sans nul doute Sly & The Family Stone. Originaire de San Francisco et (comme son nom l’indique) constitué de membres de la même famille, le groupe va bousculer quelques codes en vigueur de l’époque. Sly & The Family Stone sera la première formation à faire véritablement preuve d’une réelle ouverture d’esprit en comptant des musiciens de sexes et d’origines ethniques différents. Il faut dire que le groupe, drivé par son frontman et multi cartes (producteur, compositeur, interprète, instrumentiste) Sly Stone, était fortement porté sur la philosophie « Peace & Love » plutôt en vogue à l’époque, avec des thèmes prônant la paix, l’amour et la compréhension entre les peuples. Malgré une durée de vie relativement courte due à d’incessantes tensions internes, Sly & The Family Stone marqua fortement le funk de son empreinte, assurément grâce à son bassiste, Larry Graham, l’inventeur du slap électrique avec une technique de pouce main droite qu’il développa d’abord sur des Fender Jazz Bass, puis sur des basses Moon (et une kyrielle de pédales d’effet, dont une Jet Phaser de chez Roland de 1976 !). Mais on ne peut oublier le rôle du guitariste de la formation multi ethnique et son jeu précis et groovy à souhait qu’il aimait développer sur des hollowbodies au début de sa carrière (Gibson L-4s), puis sur des Telecaster. Si le groupe ne connut qu’un seul et unique succès commercial, Dance To The Music, son influence se fit sentir chez bon nombre d’artistes, de Diana Ross à Michael Jackson, en passant par Arrested Development et plus récemment les Black Eyed Peas. Longtemps le funk semblait ne pouvoir s’adresser qu’à la communauté afro-américaine. Mais il va profiter indirectement de l’avènement du disco pour enfin toucher le public blanc. Et même si James Brown glisse encore quelques messages plus ou moins politisés dans ses chansons, c’est un fait, le funk perd de la profondeur dans son ancrage social, mais gagne en notoriété. Les boîtes de nuit du monde entier sont régulièrement bombardées de hits en puissance du genre. Emmené par Bernard Edwards à la basse et Nile Rodgers à la guitare, Chic connaît un succès populaire retentissant avec des pépites telles que Le Freak ou encore Good Times. Influencé par le jeu très jazzy de George Van Eps, Rodgers a su développer le sien, sans doute minimaliste pour les adeptes du déluge de notes, mais diablement efficace, avec pour instrument principal, une Fender Stratocaster constituée d’un manche datant de la fin des années 50 et d’un corps de 1962. Et si vous voulez percer le secret du son si typique de Nile Rodgers, il vous faudra aller chercher du côté de chez Fender (Bassman) ou Music Man pour la tête et de chez Sunn pour les corps. L’intéressé avoua dans une interview avoir utilisé en studio un Roland JC- 120, un Fender Twin Reverb et un Super Reverb de la même marque. Dans la seconde moitié des seventies, le disco explose et entraîne encore un peu plus le funk vers les hauteurs du succès, permettant à des formations jusque là connues des initiés de profiter d’une part du juteux gâteau : Kool & The Gang, mais également Earth Wind And Fire. Le grand public fait alors la connaissance d’Al McKay, guitariste du dernier groupe cité, au pedigree plutôt bien rempli, puisque notre homme a joué avec Ike & Tina Turner Revue, The Jackson 5, Smokey Robinson, ou encore Gladys Knight. Gaucher et amateur de guitares vintage, McKay a cependant une nette préférence pour un modèle en particulier, une Gibson ES-335 de 1972, couplée à un Roland JC-120 modifié ou à un Vox Super Beatle. Comme souvent dans pareil cas, lorsque le succès tant commercial qu’artistique est au rendez-vous, le style en question ne reste pas longtemps cantonné à ses principes de base. Et le funk ne va échapper à cette règle.

Larry Graham (Photo DR)

Larry Graham (Photo DR)


Vers d’autres horizons Dès les années 70, le funk va devenir une nouvelle source d’inspiration pour d’autres familles musicales. Le jazz est loin d’être insensible aux déhanchements et au côté festif du funk. Certaines pièces de Miles Davies ou de Herbie Hancock lorgnent parfois vers le funk et l’on qualifiera très vite ce nouveau mariage de jazz-funk. George Benson profita également de cette nouvelle alliance avec, entre autres, le tube interplanétaire Gimme The Night. Guitariste de jazz, il enregistre son premier album en 1964, à l’âge de 21 ans et croisa même la route de Miles Davies en participant activement à un des albums du trompettiste, « Miles In The Sky ». À ses débuts, on le vit avec différents modèles de guitares jazz (des D’Angelico et autres Guild, et même une Gibson L-5), avant qu’Ibanez lui fasse les yeux doux et lui sculpte sur mesure de superbes archtops avec sa signature : GB10, GB15, GB30TH, GB200.

Ibanez Signature LGB30-VYS George Benson

Ibanez Signature LGB30-VYS George Benson


Dans la même veine jazz-funk, mais en version un brin plus musclée, on peut difficilement oublier Bruce Conte accompagné de sa Les Paul Goldtop de 1957 avec qui il officia magistralement au sein de Tower Of Power L’un des mélanges qui ne laissa pas insensible un public avide de sensations fortes fut celui que l’on dénomma P-Funk. Sous cette appellation se cachait en fait deux groupes majeurs du funk des années 70 : Parliament et Funkadelic. Ici, le message politique du début du funk semblait bien loin et les protagonistes, sans doute à cause de quelques abus de produits illicites, se voyaient être missionnés pour sauver la Terre des forces négatives d’un monde sans funk. Tout un programme. Pourtant, derrière ce second degré sous hallucinogènes, se cachait un mouvement emmené par George Clinton qui cherchait réellement à bousculer les codes du funk, à grands coups d’expérimentations sonores. Bootsy Collins, viré comme son frère par James Brown, trouva dans le P-Funk une occasion de faire parler et son inventivité et son approche audacieuse de la basse. Notre homme n’hésitait pas à dénaturer le son de ses basses aux formes incroyables (corps en étoile, par exemple) avec une collection impressionnante de pédales d’effets. Collins a aujourd’hui plusieurs modèles Signature d’excellente facture chez Warwick. Un vrai must pour les amateurs de funk et de 4-cordes.

Cette basse au look immanquable et au design très spécial, est un modèle Signature de Bootsy Collins disponible dans le catalogue Warwick, un emarque que l'ex- bassiste de James Brown affectionne depuis longtemps.

Cette basse au look immanquable est un modèle Signature de Bootsy Collins disponible dans le catalogue Warwick, une marque que l'ex-bassiste de James Brown affectionne depuis longtemps


Le funk fit également éruption dans l’électro (Yellow Magic Orchestra, Afrika Bambaataa), l’acid jazz (Jamiroquai, Brand New Heavies) et dans le rock au tout dé-but des années 90 pour donner vie au crossover (un style également appelé en France fusion, à la croisée du rock, du métal et du funk). Ce genre fit les beaux jours de pas mal d’ados avec des groupes majeurs, tels que Fishbone, Jane’s Addiction, Living Colour, Infectious Groove et, bien sûr, les incontournables Red Hot Chili Peppers qui n’ont jamais caché leur amour pour le funk coloré de George Clinton et toute sa bande de joyeux drilles. Mais on retiendra en guise de conclusion l’un des artistes les plus prolifiques, mystérieux et novateurs des années 80 et 90 réunies : Prince. Guitariste de funk accomplie, l’intéressé possède également un réel savoir faire quand il faut s’attaquer à des solos de rock plus classique. Instrumentiste doué (il joue de tout), musicien et producteur à la fois, Prince peut parfois énerver par une attitude à la limite de la suffisance, mais on ne peut que reconnaître son apport au funk moderne avec cette maîtrise technique qui caractérise notre homme capable autant d’envoyer un nombre de notes à la minute à faire pâlir les hard rockers que de laisser un son s’égrainer dans un sustain infini. Connu pour ses guitares au look incroyable (la Cloud Guitar et la Love Symbole Guitar), ce génie de la production a très souvent utilisé une Höhner MadCat Telecaster, une copie japonaise du modèle cher à Fender, dont les premiers exemplaires virent le jour à l’aube des années 70.

Une MadCat H.S. Anderson/Hönher de type Telecaster, le modèle préféré de Prince jusque dans la première moitié des années 80

Une MadCat H.S. Anderson/Hönher de type Telecaster, le modèle préféré de Prince jusque dans la première moitié des années 80


Aujourd’hui, le funk n’a peut-être pas la même portée qu’il y a 40 ans, il n’en reste pas moins un style qui inspire encore bon nombre d’artistes. Les acteurs du monde du rap et du hip hop ont souvent fait leur beurre grâce à des samples pris dans la discothèque idéale du funk et des chanteuses telles que Beyoncé ou Jennifer Lopez ont souvent eu recours à ce genre de pillage en règle pour vendre des disques par million. Preuve que le funk a encore de beaux jours devant lui, surtout quand on sait par définition que la musique est encore et toujours un éternel recommencement. À quand la prochaine vague funk ? Et à quelle sauce ?

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Story
Olivier Ducruix
9/4/2016
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