Si la rupture semble consommée avec son frère, Rich Robinson n’a pas tout perdu : pendant que Chris vise d’autres horizons musicaux, le guitariste renoue avec d’anciens Black Crowes et se pose en garant de l’héritage du groupe. Qui prend forme dans ce nouveau projet : The Magpie Salute avec « High Water I » premier volet studio d’un diptyque où la pie le dispute au corbeau... Propos recueillis par Flavien Giraud - Photo : © David McClister
Parlons de ce nouveau groupe : quel a été le point de départ de ce projet ? Rich Robinson (guitare) : En 2016, alors que j’étais en tournée pour la sortie de mon quatrième album solo, « Flux », Sven (Pipien), qui jouait déjà de la basse dans les Black Crowes, a rejoint mon groupe... Puis on a
eu cette opportunité de faire un concert à Woodstock : enregistrer un album live
en studio, devant un petit public d’une centaine de personnes venues y assister.
J’ai eu l’idée d’inviter Marc Ford (ex-Black Crowes. Ndr) : on ne s’était pas vu depuis une dizaine d’années... On a repris contact et
il a tout de suite été partant : « Je prends l’avion et j’arrive ! » Et à partir de là, j’ai aussi appelé Ed Harsch (claviériste, également collaborateur des Black Crowes et décédé peu de temps après le concert. Ndr). Ce ne devait être qu’un one-shot et ensuite chacun repartirait de son côté. Mais une fois sur place, tout le monde a senti à quel point il se passait un truc spécial, différent...
Et vous êtes encore là aujourd’hui... J’ai appelé John (Hogg, chanteur) et on s’est dit : programmons unconcert à NewYork et voyons si ça prend. C’était sold out en
20 minutes, on en a ajouté un autre, puis un autre puis encore un, tous sold out ! Ça suscitait visiblement de l’intérêt... Alors pourquoi pas une tournée ? C’est ce qu’on
a fait l’année dernière, avec un groupe de 10 membres, façon revue : comme une célébration de ce qu’on avait accompli ensemble directement ou indirectement, en tant que groupe, à jouer dans les Black Crowes, tourner avec Neil Young, Dylan, les Stones et interpréter toutes ces chansons qu’on adore. On en a fait plus de 200 : on changeait la setlist tous les soirs. Pour moi c’est essentiel de faire la musique comme ça...
Après avoir sorti le live, tu as ramené la formule à 6 musiciens pour ce nouvel album, c’est ta dream team ?
C’était cool pour la tournée, mais on avait envie de faire un album avec des chansons originales, et que ça devienne véritablement un groupe. On l’a ramené à l’essentiel. En musique, tu te bats avec l’espace, et plus il y a de gens, moins il y en a : il fallait se donner l’espace nécessaire pour laisser la musique prendre forme.
Au sujet de Marc Ford, c’était comment de rejouer ensemble après toutes ces années ?
Lorsqu’on a fait ce premier concert l’année dernière, son vol a été retardé, et il a dû passer la nuit à Chicago, le soir où on devait répéter (rires). Je faisais 2 sets et Marc devait faire partie du second, je jouais déjà lorsqu’il est arrivé. Mais ça s’est fait comme ça, tu entres en scène et c’est parti ! Et ça a marché. Avec l’âge, je me rends compte à quel point c’est un cadeau de pouvoir jouer avec des gens avec lesquels tu as une telle connexion musicale. Je ne sais pas à quoi ça tient : il y a des gens avec qui tu joues
et ça ne matche pas vraiment, et d’autres avec qui le déclic est immédiat. Et notre relation a évolué, chacun avec son vécu. Quand on était dans les Crowes on était dans un sous-marin et on avançait dans ce contexte spécifique... Depuis j’ai fait une musique de film, de la production, Marc a produit aussi de son côté, écrit des trucs, joué avec Ben Harper (en 2003-2004. Ndr)...
« High Water I » n’est qu’un premier volume... Oui, le deuxième sortira l’année prochaine. On a enregistré 28 chansons en 21 jours, donc un morceau par jour au minimum. On avait passé quelques jours sur l’écriture, pour rassembler quelques parties, mais il n’y avait rien de vraiment terminé, à part peut-être 2 titres...
Vous avez enregistré tous ces morceaux en si peu de temps, sans avoir pris le temps de répéter avant d’entrer en studio ? Non, pas de répétition du tout. Pas besoin avec des gens comme Marc ou Joe (Magistro, le batteur. Ndr)... De tous les albums que j’ai faits avec Joe, on n’a jamais fait plus de 2 prises d’un même morceau. Même pour des chansons qu’ils n’avait jamais entendues. Il comprend instantanément, il est génial pour ça... Et quand tu prends des décisions à l’instinct, sur le moment, elles sont souvent meilleures sur le plan musical : tu n’as pas le temps de réfléchir ! Quand tu intellectualises trop, c’est là que tu commences à tout gâcher. Il y a 2 manières de faire : un mec comme Tom Petty était obsédé par le moindre détail, atteindre la perfection et jouer exactement note pour note ce qu’il y avait sur le disque en tournée – et c’est un processus valable : ce mec a fait des chansons et des disques incroyables, mais je n’ai jamais travaillé comme ça...
Zoom matos
1. Fender Deluxe Reverb : « J’ai pas mal utilisé cet ampli qui est très cool. Et le Magnatone en dessous est une réédition, ça sonne super. »
2. Cette photo montre l’arsenal de Rich avec au premier plan une belle Martin D-28 de 1953 : « C’était la guitare de mon père. À droite au fond, la White Falcon est jouxtée par une Les Paul Custom noire de 1971, une paire de Telecaster (dont une avec B-bender), et sa SG blanche. Une autre paire de Stratocaster, une Trussart... Rich énumère encore d’autres Tele, une Gibson Firebird, une ES-335, ainsi qu’une Danelectro 12-cordes. « J’ai apporté la plupart de mes guitares : chacune sonne différemment, et va amener un
truc particulier sur le plan sonore, ou alors l’une est mieux pour la slide, une autre pour le picking etc... Il s’agit surtout d’avoir une idée de ce qui va marcher pour servir le morceau. »
3. « J’ai ce Silver Jubilee original depuis « Shake Your Money Maker » (1990). Mes parents me l’ont offert quand j’ai eu mon bac. Il y a aussi ce Marshall JMP de 1971 que j’ai eu à l’époque de « Southern Harmony ». À droite, cet ampli Harry Joyce a fait partie du matos qui a subi l’inondation (En 2012, Rich Robinson avait perdu une partie de son matériel suite à l’ouragan Sandy et aux inondations dans le New Jersey. Ndr), mais un ami l’a restauré. Juste au-dessus, un autre Reason, une version 50 W, et un Fender Bassman que j’ai également depuis le début des années 90. »
4. Fender Vibrolux : « J’ai cet ampli depuis « Southern Harmony » (le deuxième album des
Black Crowes, en 1992. Ndr). Reason SM25 : « C’est l’ampli que j’utilise tout le temps en live. Obeid Kahn (qui
a aujourd’hui sa propre marque, Khan Audio. Ndr) qui a travaillé pour Ampeg, en a fait le design et a fabriqué celui-ci. »