Ta musique se veut un mélange entre blues et black metal. Comment en es-tu arrivé à ce résultat improbable ?
Manuel Gagneux : J’avais un projet pop qui s’appelait Birdmask et un jour de 2014 j’ai lancé un petit jeu sur internet pour écrire un morceau combinant 2 styles musicaux proposés par les internautes : c’est tombé sur black metal et black music. Ça a démarré comme une blague, mais je me suis pris au jeu, le résultat était plutôt intéressant. J’ai posté le titre sur Bandcamp et il a suscité l’intérêt des médias, dont Rolling Stone.
Quelles sont tes premières influences à la guitare ?
J’ai commencé vers 12-13 ans, j’écoutais surtout des groupes
indus comme Nine Inch Nails, Fear Factory... avant d’écouter de trucs plus barrés comme M. Bungle, Frank Zappa... J’adore le travail de Marc Ribot sur « Rain Dogs » (1985) de Tom Waits. Bien sûr, au début, j’ai eu ma période guitar heroes, Steve Vai, Van Halen... Mais ce n’est pas une musique que je ressens, je suis juste impressionné. Je considère la guitare comme une extension de moi-même. Quand j’ai une idée, je peux l’exprimer avec elle.
Tu l’as dit, Zeal & Ardor a commencé un peu par hasard. Quand tu as compris qu’il y avait une attente autour de ce projet, un album, des concerts, as-tu pris peur ?
Tu n’as pas idée ! On m’a proposé
de jouer au festival Roadburn (aux Pays-Bas, dédié au stoner et au rock gras, Ndr) alors que je n’avais
même pas de groupe ! J’ai fait appel
à quelques copains, pensant qu’on donnerait 4 ou 5 concerts. Mais 70 prestations plus tard, c’est devenu notre occupation principale.
D’où viennent les racines
blues de Zeal & Ardor ?
Ma mère est chanteuse de jazz. Il
y a toujours eu de la musique à la maison, des vieux disques de jazz qui tournaient, Miles Davis... Et puis je me suis mis au rock et au metal. D’une certaine manière, pour ce projet, j’ai redécouvert le jazz et le blues que j’écoutais plus jeune, avec les enregistrements d’Alan Lomax (musicologue qui parcourut les États-Unis et réalisa les premiers enregistrements de Leadbelly, Muddy Waters... Ndr). Ils sont bruts et purs. Il
a enregistré du blues, de la folk, de la country, mais aussi du gospel, des chants d’esclaves. Ces chants étaient pour eux une manière de
se « libérer » de cette situation, ça
les aidait. Ce sont des chansons qui portent la peine et qui collent bien au metal. Ce sont des genres extrêmes émotionnellement : le blues porte la tristesse, le metal véhicule la rage et la colère. Ils marchent bien ensemble.
Quelque part, le blues et le
metal sont liés au démon...
Le blues et devenu rock’n’roll, puis rock, hard rock, metal et enfin black metal. Mais d’une certaine manière, on en revient toujours au blues.
J’ai une certaine fascination pour l’occulte. Je n’ai pas eu d’éducation religieuse, comme beaucoup de gens. J’ai lu pas mal de livres sur le sujet, ça ressemble à de la fiction ou de la fantasy avec tous ces personnages, ces démons, ces esclaves... Mon logo est d’ailleurs le symbole de Lucifer.
Zoom matos
Ma première guitare était une BC Rich Warlock Bronze et puis je suis passé sur Ibanez. Aujourd’hui, je joue essentiellement sur une Charvel Pro-Mod Style 1 type Strat, avec un Floyd Rose, et sur une Jackson aussi. La Charvel est bien équilibrée et j’aime beaucoup son manche en D. J’aime les effets, mais j’évite d’en mettre partout. En tournée, j’utilise une paire de Fractal Axe FX II. C’est très pratique et moins risqué que de trimbaler des amplis. Quand on arrive dans une nouvelle salle, on sait quel son on
va obtenir. En studio en revanche,
on joue encore sur des amplis !